Ga-Rei, la bête enchaînée par Ninesisters
Il y a quelques années, j’avais été surpris – en bien – par une série d’animation intitulée Ga-Rei Zero. Après un premier épisode des plus accrocheurs, qui semble se complaire dans tous les clichés possibles et imaginables pour mieux surprendre le spectateur, cet anime développe un univers fait d’exorcismes en milieu urbain, de malédictions, et de trahisons, avec quand même une bonne dose d’humour, quelques personnages bien extravagants comme il faut, et même un petit côté « culotte ».
Bizarrement, il avait été conçu comme une préquelle à Ga-Rei, un manga dont il n’est donc pas directement l’adaptation. Et si nous sentions dans le dernier épisode que les scénaristes essayaient de se conformer au contenu du manga – qui devait lui faire suite – elle restait suffisamment indépendante pour mériter le coup d’œil même sans rien savoir de l’œuvre d’origine. D’ailleurs, maintenant que je l’ai lu, je pense qu’il vaut mieux commencer par l’anime, et découvrir l’histoire par ordre chronologique.
Inutile de préciser que c’est cette version « zéro » qui m’a donné envie de me tourner vers le manga, dont je ressors avec un sentiment positif, même si étonnamment, j’ai préféré la série d’animation.
De façon schématique, Ga-Rei raconte l’histoire d’un lycéen capable de voir les fantômes, et qui va découvrir que des exorcistes sont chargés de contrôler les débordements du monde des esprits ; bien entendu, il sera lui-aussi amené à rejoindre leur rang, mais va par la même occasion se retrouver mêlé à des histoires très compliquées, impliquant principalement une autre lycéenne, élevée dans une famille spécialisée dans l’exorcisme depuis les temps les plus anciens et représentant presque la principale arme du gouvernement japonais contre les manifestations démoniaques.
L’univers développé dans ce manga est conforme à celui de l’anime, avec de nombreux yokai ou esprits à exorciser – certains bénéficiant d’un design plutôt original – des exorcistes qui ont l’air parfaitement normaux dans leur vie de tous les jours, une esthétique à la Men in Black autour de l’agence gouvernementale, une alternance entre humour et drame, et quelques scènes de bain publique ou de sources chaudes.
La particularité de Ga-Rei par rapport aux shônen publiés par exemple dans le Shônen Jump, c’est sa narration très dense ; cela vient sans doute de sa parution dans un mensuel et non dans un hebdomadaire, mais l’auteur ne se permet pas de décrire des combats qui durent des volumes entiers, chaque chapitre apporte sa pierre à l’édifice, il se déroule toujours quelque chose y compris durant les instants de vie quotidienne, et il ne donne pas l’impression de contenir du remplissage. Ainsi, en seulement 12 volumes, il se passe énormément de choses, et les personnages donnent l’impression d’affronter dès le second tome un adversaire qui aurait servi de boss de fin dans de nombreuses autres séries. Ce n’est pas pour autant indigeste, et cela fait même plaisir de lire un tel manga, car j’ai vraiment eu l’impression d’en avoir pour mon argent. N’espérez pas finir un tome de Ga-Rei aussi rapidement que ceux de Baki, pour ne citer que lui.
Néanmoins, cette série m’a fait pensé à un autre titre publié chez Pika : Devil Devil. A l’époque, je l’avais décrit comme un manga peu ambitieux, basique, avec des éléments vus et revus, mais très distrayant. Et c’est un peu ce que j’ai retrouvé dans Ga-Rei : il y a de l’action, de l’humour, du drame, quelques culottes, mais pas forcément énormément d’ambition. Le mangaka vise avant tout l’efficacité et le plaisir immédiat ; cela fonctionne bien, mais cela implique qu’il ne laissera pas forcément au lecteur un souvenir impérissable.
Ce qui différencie le manga de l’anime, c’est sans doute ça : l’anime cherche à voir plus loin qu’un simple divertissement, en détournant les poncifs dans son premier épisode de fort belle manière, ou en exploitant plus en profondeur le potentiel tragique de l’œuvre. Ga-Rei possède un aspect dramatique, mais qui ne s’avère pas spécialement touchant ; à la différence de Ga-Rei Zero.
Après coup, je verrais presque ce manga comme un simple bonus à l’anime qui lui sert pourtant d’adaptation. Attention : il est bon en lui-même, très agréable à lire, j’ai vraiment apprécié ses personnages et son humour, et comme je l’ai déjà indiqué, son histoire dense offre un temps de lecture conséquent. Mais l’anime est tout simplement meilleur en tout point. Je serais à la place du mangaka, je serais sans doute vexé ; même s’il n’avait pas forcément la prétention de faire quelque chose de plus élaboré, ou en tout cas de moins superficiel.
Ga-Rei s’impose au final comme une sympathique Série B du manga : efficace, divertissante, loin d’être indispensable mais ce serait dommage de se priver.