Gamaran
6.6
Gamaran

Manga de Yosuke Nakamaru (2009)

Samurai Deeper Kyô 2 – Le remake que personne ne souhaitait

Premier coup d’œil – dubitatif comme chaque fois que je déflore – le dessin me laisse une empreinte, une qui n’est pas mauvaise, mais une qui n’est pas celle de son auteur. Pas à moins que l’auteur ait pour illustre patronyme celui de Tite Kubo. Car les mirettes des personnages, la forme des visages ; ça vous crie « Bleach » comme si ça désirait que vous n’entendiez que cela. Oui, pour ce qui est du dessin, Nakamaru Yôsuke s’efface d’emblée, refuse le défi de la singularité, renonce à se distinguer ; il cherche à faire ce qui plaît. Si on en est rendu là dès le dessin, je crains deviner un procédé analogue pour l’écriture. Le procès est pas débuté que j’ai déjà ma délibération de prête, ça sent l’usiné à plein nez et Dieu sait que cette odeur m’est insupportable aux narines.


La mesure, dans la présente écriture, ne se perpètre pas à la cuillère ni même à la louche, mais au tractopelle. Voilà un homme mystérieux plein de mystères qui bat non pas des dizaines, encore moins des centaines, non… des milliers de samurais experts. S’ensuit l’arrivée d’un jeune garçon, car c’est un Shônen et il faut savoir être littéraliste, qui, d’un coup d’un seul, plie un combattant chevronné afin d’attester ostensiblement de sa force. Allons mon garçon, nul besoin d’être aussi sévère, un œil rompu, lorsqu’il s’égare sur un mauvais Shônen, reconnaît la force tel ou tel protagoniste à son character design. Gamaran est assez convenu et prévisible pour ne rien avoir à montrer pour que l’on devine déjà tout. Son potentiel, on en devine la portée à la première page à peine et cela, justement, vous encourage à ne pas aller jusqu’à deuxième.

Mais instruisons le dossier, qu’on ne me fasse pas, à moi, le procès d’un prompt jugement ; poursuivons la débâcle. Il faut de bonnes chaussures pour la talonner, car la débâcle, elle court vite et sans halte.


Gamaran est un Kenshin boîteux et retardataire de vingt ans ; un Samurai Deeper Kyô de plus, un Samurai Deeper Kyô de trop, comme l’était le premier, par ailleurs. Il y a une recette, l’auteur la suit sans chercher à l’assaisonner à sa façon. Y’a moyen de cuisiner joliment en suivant la marche à suivre, mais pas quand on pioche ses idées repas dans le Guide du Parfait Coprophage. Ce Shônen, vous l’avez lu un million de fois sans que jamais, si vous vous trouvez tributaire d’au moins un atome de bon goût, vous n’ayez cherché à vous l’infliger. Ça se fait à la chaîne. Imaginez pour moi, comme il est malaisé de vous fournir une critique personnelle pour une œuvre qui, justement, ne l’est pas. Comment pourriez-vous décrire, avec une approche différentes, deux cannettes de Coca sorties de la même usine ? C’est pourtant mon lot quotidien dès lors où je m’essaye aux shônenneries contemporaines.


Ah y’a toute une histoire autour du passé de Jinsuke. Ça, y a. Ah que c’est complexe, ah que c’est longuement expliqué…

Ah que c’est chiant. Au fait. C’est le père du héros. Je vous gâche pas l’intrigue, ça se devine en suivant les relents du mauvais goût. Je lis l’avenir en aruspice, en reniflant à travers des entrailles dont on n’a pas vidé les boyaux.


Imaginez qu’on vous brosse la biographie d’un homme en vous rapportant à quel point il est génial, et en insistant sans arrêt pour rappeler ses faits d’arme glorieux. C’est lourd à la longue. Et la longue, avec Gamaran, c’est dès le premier tome. Si vous vous trouvez mourant un jour et souhaitez retarder le temps, entamez une lecture de Gamaran por relativiser le temps. Quoi que pareille épreuve pourrait vous donner envie de crever bien plus prématurément encore.


C’est usiné comme manga, mais avec un moule vraiment rudimentaire. « Je veux devenir seigneur féodal » qu’il nous dit le faire-valoir. Il a pensé à concevoir son Nindô avant ? Ce sont des choses qui se font quand on fait savoir ses objectifs avec si peu de subtilité.

On peut voir les interlignes du cahier des charges de l’auteur entre chaque case.


Présenter un héros très fort qui veut devenir encore plus fort parce que hein, Nekketsu : check.

Présenter un antagoniste principal qu’il devra affronter : check.

Définir un objectif très défini pour les personnages principaux : check.

Enchaîner les combats et les antagonistes mineurs pour rallonger la sauce le plus possible : check

Trouver une histoire en Flash Back qui en fait explique tout, mais n’explique rien, mais en fait c’est vachement profond même si ça l’est pas : check

La grognasse pour nuancer dans l’œstrogène les contingents de phallus : check


Un récit pareil, aussi étriqué, y’a pas de plaisir potentiel à pouvoir le lire puisqu’il est de toute manière écrit d’avance. Et mal, qui plus est.


Lui, notre auteur, qu’a bien pioché dans Bleach, peut-être qu’il va nous trouver des pouvoirs un peu sympa, ou au moins de quoi garnir la mise en scène histoire qu’on hausse un sourcil devant un combat. Non. Ça demanderait des efforts et de ne pas s’arrêter à du plagiat petit-bras. Y’a pas d’effort à fournir, rien que des dessins qui s’enchaînent pour la finalité d’être là, sur des feuilles blanches. Bien sûr que ça a dû lui en prendre du temps à répartir l’encre comme il l’a fait sur le papier, seulement… en pure perte. Excepté pour son compte en banque. Car avec près de deux-cents chapitres dans la musette, il a dû en rançonner des fonds de porte-feuille.

Des dessins de Bleach, il en aura retenu les contours uniquement ; et restitués d’une main gauche. Les character designs sont plats comme des limandes, et d’ailleurs aussi expressifs. On jurerait qu’il tourne sur trois schémas de personnages, le sérieux qui fronce les sourcils, l’abruti violent à grand sourire, et le psychopathe à l’air azimuté. On jurerait que l’auteur s’est donné tout le mal qu’il a pu pour brider toute forme de potentiel.


L’échelle des puissances n’a ni sens ni mesure, on ne sait trop si une démonstration de force démesurée est spectaculaire ou ordinaire, tous les canons de l’œuvres sont mal définis, si tant est qu’ils l’aient été en premier lieu. C’est aussi ça, l’inconvénient, quand on sature les planches avec des effets de style tapageurs, ça en devient si banal qu’on les tient pour acquis. D’autant qu’ils sont aussi convenus que l’écriture qu’ils viennent recouvrir. Au moins ça fera ton sur ton, y’a de l’harmonie plein la chienlit ; de quoi on se plaint nous autres ?


On se plaint d’un énième auteur qui ne cherche même pas à offrir un ersatz de contenu original à ses lecteurs, en se contentant de nous jeter à la gueule, sans passion ni conviction, un manga écrit à l’arrachée, sans une idée en tête, ni même une tentative de nouveauté. Enchaîner Même un Singe peut dessiner des Mangas et ce Shônen dit contemporain – déjà dix ans d’âge et daté dès la première planche – nous fait prendre la pleine pertinence de la première œuvre après qu’on se soit infligé la seconde. Cela, s’il y avait besoin d’une démonstration pratique pour que l’on sache que le manga, dans la majorité de ce qui le compose, ne s’envisage guère que comme une stratégie de marché avec segmentation et plans marketing afin de faire les poches au chaland. Les gens ont décidément trop de pognons pour le gâcher à faire la fortune de pareilles canailles. On enjôle pour un braquage à l’arme-à-feu, mais pas pour un braquage au crayon de papier. Pourtant, le premier braqueur ne traumatise que ceux qu’il a à portée du canon ; le deuxième, quant à lui, contribue à avilir l’imaginaire de masses entière, comme les ayant trépanés à distance. On me reprochera la galéjade, mais c’en est véritablement criminel de laisser prospérer de telles déjections de fond de plume et de les vendre en grande surface. Au moins, avec du crack, vous en avez pour votre argent, mais une denrée aussi frelatée de celle dont je viens de vous faire la recension, ça vous stimule quoi dans le ciboulot ? Rien, ça conforte l’empathie et le désespoir.

Josselin-B
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Créée

le 25 nov. 2024

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Josselin Bigaut

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