A quoi ressemblait la vie quotidienne d’une geisha dans le Japon encore très traditionnel du début du XXème siècle? Le scénariste Christian Perrissin et le dessinateur Christian Durieux le révèlent avec beaucoup de talent dans "Geisha ou le jeu du shamisen", un diptyque fascinant dont la deuxième partie vient de paraître chez Futuropolis. Dans le premier épisode, on avait découvert comment la famille de la petite Setsuko Tsuda avait dû quitter son village d’origine pour échapper à la misère. Hélas, l’arrivée en ville n’avait pas vraiment amélioré leur sort. Au contraire, la situation avait été de mal en pis lorsque le père de Setsuko, un ancien samouraï, avait été fauché par un tramway. Amputé d’une de ses jambes, le fier guerrier devenu un pitoyable alcoolique avait perdu tout espoir de trouver un travail et nourrir sa famille. La mort dans l’âme, il s’était donc résigné à "vendre" sa fille Setsuko à une "okiya", autrement dit une maison de geishas, dans l’espoir que celle-ci puisse lui offrir une vie meilleure. Dans le deuxième épisode, on retrouve la jeune fille quelques années plus tard. Désormais agée de 18 ans, Setsuko n’a plus son allure d’enfant sauvage. Après plusieurs années d’un apprentissage souvent très sévère, elle est sur le point de devenir à son tour une vraie geisha, capable de chanter, danser et marcher avec élégance, et de sourire en toutes circonstances. Mais surtout, la jeune femme peut compter sur un formidable atout: elle joue à merveille du shamisen, cet instrument traditionnel à trois cordes qui accompagne le chant des geishas. Grâce à ses sonorités envoûtantes, Setsuko parvient à faire oublier son visage un peu disgracieux pour se muer en Kitsune la renarde.


Certains livres sont des voyages à eux seuls. C’est le cas de la BD "Geisha ou le jeu du shamisen". En s’appuyant sur une solide documentation cinématographique et littéraire sur le Japon des années 1920, Christian Perrissin et Christian Durieux nous plongent corps et âme dans l’univers extrêmement codifié des geishas. Mais sans verser dans le documentaire pur et simple pour autant. Au contraire: ils signent un récit romanesque sur l’émancipation progressive d’une jeune femme. Une histoire à la fois mélancolique et touchante. Leur démarche est d’autant plus intéressante que l’évolution de Setsuko, leur héroïne, est parallèle à celle du Japon dans son ensemble. A l’époque où se déroule le récit, le pays du soleil levant vient en effet d’entamer son ouverture sur le monde. Une nouvelle ère qui va mener à une quasi-disparition des véritables geishas. "Geisha ou le jeu du shamisen" met donc en scène un vieux monde qui s’éteint, à l’image de la Chine et de son "Dernier Empereur" dans le film du même nom de Bernardo Bertolucci. Pour ne rien gâcher, le récit soigné de Christian Perrissin est magnifiquement servi par les planches pleines de raffinement de Christian Durieux, qui s’est notamment inspiré du travail de Taniguchi pour réinventer son style. Mission accomplie pour le dessinateur des "Gens Honnêtes", qui est parvenu à adopter un trait beaucoup plus réaliste et délicat que dans ses albums précédents, se mettant ainsi au diapason de ce Japon traditionnel chargé d’images et de fantasmes. En refermant "Geisha ou le jeu du shamisen", on n’a qu’une seule envie: partir au Japon pour découvrir ce pays de ses propres yeux.


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matvano
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le 30 avr. 2018

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matvano

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