C’était long ! J’ai pris peut-être cinq mois à lire l’intégralité de Gen d’Hiroshima ! C’était long ! Mais putain, qu’est-ce que c’était bon ! J’vais vous dire, Gen d’Hiroshima, c’était une des dernières bandes dessinées du CDI que j’avais pas lu. La seule chose qui me tentait avec ce livre, c’était la recommandation d’Art Spiegleman qui m’avait ému avec son Maus. Le livre était gros, il y en avait deux, alors je les ai lus sur mon temps libre. J’avais trouvé le premier tome rébarbatif, avec des méchants et des gentils toujours victimes, et même si le livre était plein d’informations sur le Japon pendant la Seconde Guerre Mondiale, je m’étais fait un peu chier.
L’histoire racontait celle de Gen Nakaoka (qui a sensiblement vécu les mêmes choses que l’auteurs Kenji Nakazawa) et sa famille pacifiste dans un Japon en pleine guerre. Bref, on prône la paix, on nous dit que la guerre, bah c’est pas bien, mais je voyais pas grand-chose d’intéressant. Et puis, arrivèrent les quinze dernières pages : la bombe atomique. Et jamais de ma vie, je n’avais vu quelque chose d’aussi horrible. Le dessin jusque-là simpliste et gentil de Kenji Nakazawa se transformait en portrait dégoûtant écœurant, terrifiant des ravages de la bombe atomique ! Putain, j’en tremblais !
Et encore, la bombe, c’était que le début ! Le tome suivant m’avait achevé comme c’était pas possible. La moitié des personnages que je connaissais cramaient, explosaient, mourraient dans d’atroces souffrances sous mes yeux ébahis. Les quelques survivants tentaient tant bien que mal de survivre, et avaient sous les yeux, des millions de cadavres et dans le tas, quelques survivants méconnaissables épuisant leurs dernières forces pour ces paroles « pitié ».
Et dans ce chaos désordonné, dans ce sillage meurtrier, sur cette montagne de cadavre, naissait un enfant, la petite sœur de Gen. Gen portait sa sœur, l’élevait dans les airs comme une réponse insolente à Enola Gay, cet avion qui avait envoyé cette foutu bombe de merde. Cet enfant, c’était l’espoir d’une nouvelle vie, d’une renaissance après la mort, et c’était beau putain !
Et les gens en détresses étaient délaissés par des connards qui n’en avaient rien à foutre des autres. Il était temps pour Gen d’abandonner son insouciance et de se battre pour sa survie. Dans sa quête de survie, il rencontrait des orphelins avec qui il allait s’associer pour s’en sortir. Et c’était beau putain !
Et là, le deuxième tome se fini, et je me rends compte qu’il n’y a pas la suite dans le CDI. Sacrilège, horreur, malheur ! J’en redemandais ! Alors dans un élan de gentillesse, la documentaliste achète les quatre tomes suivants. Encore une fois, je me suis rué sur les livres, le témoignage sidérant d’un jeune garçon qui avait connu la bombe et qui en avait subi les conséquences.
Ce que je trouvais fantastique avec ce bouquin, c’est qu’au-delà de dire que la bombe, c’était de la merde, il donnait une note d’espoir, montrait comment un Japon en ravage, se relevait. L’histoire ne s’arrêtait pas à la bombe. En fait, la bombe n’était que le début. Les huit tomes qui suivent racontent comment Gen devient un adulte et grandis, comment malgré les innombrables obstacles, il va se faire des amis, aider des gens, aller à l’école. On rigole avec lui dans les moments de joie, les amis qu’il s’est fait comme Ryuta et Musubi sont adorables. Il sauve des gens qui veulent se suicider, il aide un homme blessé qui épuise ses dernières forces pour peindre afin de témoigner l’horreur de la guerre, il aide un prof pacifiste martyrisé par ses supérieurs qui ne veulent qu’enseigner la gloire de l’Empereur. Et malgré sa gentillesse, les gens meurent, et Gen demeure impuissant face aux ravages de la bombe. Alors on pleure avec lui. Et puis, merde quoi, c’est violent ! La mort arrive comme ça, sans prévenir, sans crier garde, à des gens qu’on aime et on y peut rien !
Et le livre ne s’arrête même pas là. En plus d’être un témoignage émouvant sur un survivant de la bombe, il offre une véritable réflexion sur la responsabilité de l’Amérique, des dirigeants du Japon. Gen d’Hiroshima est un cri de haine envers les gens qui ont le pouvoir et qui ont sacrifiés des millions de vie pour leur confort. Un cri de haine envers les yakuzas qui ont profités de la détresse de jeunes orphelins pour s’enrichir en leur mettant des rêves plein les yeux ou en les droguant (putain Musubi, ça m’a achevé). Un cri de haine envers un système éducatif qui obligeait les élèves à vénérer un Empereur qui avait tué leurs parents.
Pour survivre, des jeunes doivent tuer, se salir les mains, et les voir sacrifier leur innocence a quelque chose d’horrible. Lorsque Ryuta, un personnage ô combien adorable commet son premier meurtre (et ce n’est que le premier) pour protéger son frère spirituel, Gen, ou son nouveau père adoptif, bah… c’est beau, putain ! La relation entre les personnages, ce qu’ils sont capables de faire pour s’entraider, c’est magnifique.
Et puis cette phrase : « l’art ne connaît pas de frontière ». Ce moment où Gen trouve sa vocation, où il décide que le dessin sera son moyen de témoigner.
Et cette histoire d’amour ô combien belle qui se finit de manière tellement cruelle.
Putain, j’ai rarement lu quelque chose d’aussi beau. Alors on pourra dire que le dessin est moyen, qu’il se répète énormément. Mais bordel, que ce livre est émouvant. C’est la même chose que pour Maus, la réussite du livre réside dans sa sincérité et son désir d’ouvrir les yeux, de dire des choses qui ne font pas plaisir, mais de dire également qu’il faut profiter des beaux moments de la vie.
Gen d’Hiroshima est une leçon de vie, un pionnier du manga (c’est d’ailleurs l’un des premiers mangas qui est arrivé en Europe et aux USA), une histoire émouvante, des personnages attachants. Finir le dernier tome, c’est dire adieu à ces personnages qu’on a aimé, qu’on a vu souffrir, qu’on a vu se relever et rire pour se remonter le moral. Même si ce ne sont que des personnages de fiction (et encore, une grande partie est inspiré du vécu de Nakazawa), je veux savoir ce qu’ils sont devenu, je veux continuer de suivre ces personnage ! Quand j’ai fini Gen D’Hiroshima, c’est comme si j’avais atteint un nouveau cap dans la vie. Car je suis sûr que jamais je ne lirai quelque chose d’aussi bon que livre
C’est beau putain ! Et j’en pleure !