Il est toujours un peu gênant de ne pas vraiment adorer un livre "classique", sur lequel les avis sont généralement dithyrambiques : vous vous demandez forcément si ce n'est pas vous qui avez quelque chose qui "cloche", comme ces deux adolescentes bien perdues que décrit Clowes dans son célébrissime "Ghost World" !
Bon, pour moi, même si le trait est d'une belle élégance, même s'il y a dans ce livre le déploiement d'une vraie sensibilité face aux états d'âme féminins (un genre de BD pas très courant aux USA jusqu'à la vague récente de journaux auto-biographiques en BD), et même si, surtout, le dernier chapitre est absolument magnifique de nostalgie, et de cruauté par rapport au temps qui passe et qui efface tout, je n'arrive pas à adhérer complètement au "monde fantôme" décrit par Clowes : faute de références sans doute (tous ces noms de célébrités de la télévision locale, c'est bien vu, mais ça nous laisse un peu froids de ce côté de l'Atlantique…), mais aussi faute de vraie empathie vis-à-vis de personnages finalement assez flous, traversant des situations qui lorgnent légèrement - mais sans la force de la vision de ce dernier - vers l'Amérique de Lynch.
Au final, même si j'ai bien compris - je crois - la mélancolie sévère que dégage le livre, j'ai eu plus que du mal à le trouver passionnant, ou même véritablement intrigant.
[Critique écrite en 2010]