Global Garden par Ninesisters
Ce qui sauve cette série, ce ne sont pas les remords d’un Albert Einstein qui se sent coupable des souffrances du peuple japonais (véridique), mais bien la somme de mystères et de secrets qui entourent les personnages. Au passage, la dualité homme/femme de Ruika ne restera pas un simple artifice de la part de la mangaka.
A la différence de trop nombreux shôjo, c’est de son histoire et de ses révélations que Global Garden tire sa force. Certains détails m’ont laissé dubitatif, comme le concept même du « garden » et l’implication d’Albert Einstein ; sans compter que le « destin » – toujours lui – joue parfois des tours aussi imprévisibles que malsains. Mais c’est pourtant bien le scénario qui rend ce manga intéressant, notamment à travers les thèmes qu’il aborde. Il sera question notamment de secte, de manipulation, de métamorphose, et d’expérience interdite ; non seulement cela crée un univers accrocheur, mais cela donne surtout envie de poursuivre la lecture, afin de démêler les secrets et de voir jusqu’où tout cela nous mènera. La mangaka a de bonnes idées et cela se sent.
Le vrai problème, ce sont les personnages. Unidimensionnels pour la plupart, ce qui leur arrive ne présente aucun intérêt tant il est impossible de faire preuve d’empathie à leur égard. L’héroïne est trop souvent transparente, le premier rôle masculin semble perdre de son charisme au fil des volumes, et il n’y a personne pour relever le niveau. Le pire, c’est le « méchant » de l’histoire : s’il apparait au début comme un être manipulateur et sadique, il se révèle finalement plus comme une grande gueule égocentrique, à moitié maboule, et qui ne représente pas une menace réelle ; deux de ses subalternes semblent finalement bien plus dangereux, mais ils ne sont pas suffisamment développés.
Quand il joue la carte d’un univers malsain et dérangé, avec tout le scénario bâti autour, Global Garden s’impose comme une belle réussite. J’aime les mangaka de shôjo dans leur capacité à évoquer des thèmes beaucoup plus sordides et cruels que ce que nous pouvons trouver dans les shônen, et plusieurs passages de ce manga témoignent de cette capacité.
Seulement, le shôjo reste une catégorie où le sentiment tient une place privilégiée. Or, comme les sentiments ne sont jamais que les expressions des personnages, il faut pouvoir éprouver de l’attrait pour ces-derniers si nous voulons nous intéresser à leurs sentiments. Et c’est là que le bat blesse : sans vraiment être des caricatures, les protagonistes de ce manga n’arrivent pas à susciter quoi que ce soit chez le lecteur, car trop plats et trop insignifiants. Dans de telles conditions, difficile de véritablement entrer dans l’histoire et de la vivre à leurs côtés.
Global Garden part donc d’un excellent potentiel de départ, qui nous change radicalement de ce que nous pouvons lire habituellement dans les shôjo publiés en France. A mille lieux des romances lycéennes, ce manga mélange fantastique et SF en insistant énormément sur le côté sombre de l’humanité.
Malheureusement, cela ne suffit pas à en faire un titre recommandable, la faute à des protagonistes trop insipides pour nous permettre de nous intéresser à leurs joies et à leurs peines. La mangaka semble avoir oublié ce qui lui avait permis de faire de Please Save My Earth un titre mémorable ; les ingrédients de base sont là, nous sentons que Global Garden pourrait être passionnant, mais il souffre de nombreuses fausses notes. Son scénario suffit à justifier de poursuivre notre lecture, mais il nous interdit de réellement nous impliquer dans l’histoire. Il m’a laissé un étrange sentiment de gâchis, car avec des personnages légèrement plus travaillés, nous aurions tenu un incontournable du genre. Car le scénario est bon, vraiment. Là, nous avons tout au plus une curiosité.