Un western pas mal
Deux frères irlandais tentent de survivre dans l'ouest. C'est super bien dessiné, ca prend pas de pincettes comme un Machete, les problématiques sont bien amenés. Le problème est le rythme inégal qui...
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le 28 oct. 2024
Green Blood. Que l'on pourrait aussi intituler PAS Gangs of New York. Le «PAS» étant important, puisqu'il permet de préciser que l'œuvre, en aucun cas, ne s'illustrera par quelques plagiats éhontés. Plagiat, c'est une accusation grave. Pas une que je profère à la légère cependant. Car, si j'étais initialement parti sur l'idée que Green Blood s'inspirait du postulat initial de Gangs of New York, j'aurais été amené à réviser radicalement mon jugement. Effectivement, plus tard, alors que quelques mauvais souvenirs diffus et brumeux semblaient se rappeler à moi, je pris connaissance du nom de l'auteur. De son palmarès surtout. Celui d'un mangaka qui, quand il s'inspire, ne le fais ni à moitié, ni aux trois-quarts.
Procès d'intention ? Mais certainement. Procès de bonne intention ajouterais-je même ; cette bonne intention qui consiste à avertir les lecteurs de mangas des mines anti personnelles éditoriales parsemant le monde du manga. Non pas que Green Blood ait quoi que ce soit de détonnant à faire valoir. Oh ça non. Mais il ne fait pas bon l'avoir sous la main et encore mois sous les yeux.
Gargarisez-vous dès le premier chapitre des myriades de platitudes et de son assortiment de lieux communs. Tout y passe ; la terre des opportunités compromises, le rêve américain dont on se réveille en sursaut, la grande désillusion À PEINE misérabiliste dans son énoncé, la corruption effrénée entre autres avanies courantes... il ne manque que Disneyland pour compléter le tableau.
Et faut voir le tableau. On ne parle pas d'une toile de maître. Tout ce que vous aurez pu tirer de westerns - de mauvais westerns, cela va sans dire - sera ici compilé et exagéré jusqu'aux plus inqualifiables excès scénaristiques. Excès dont l'auteur s'évertuera à abuser au point que sa trame ne tiendra finalement plus lieu que d'un trucage dramatique grossier. L'aspect caricatural de corruption et de déliquescence morale généralisée ainsi déballé y est si appuyé que, bien que reposant sur une réalité historique factuelle et incontestable, ce postulat ne peut pourtant simplement pas s'empêcher de sonner faux.
Déjà, ce sentiment de paupérisme jusqu'au-boutiste dans ce que l'œuvre présentait comme scénario avait mis ma mémoire à contribution ; où diable avais-je déjà lu ça ? À ce stade de ma lecture - nous n'en étions alors qu'au premier chapitre - l'idée de me renseigner sur l'auteur ne m'avait alors pas encore traversé l'esprit.
L'histoire ? Mais c'est celle d'un Batman de Saloon enfin. Avenant le jour, opiniâtre et ténébreux la nuit. Au point que même son faciès change du tout au tout. Il m'aura, très sincèrement, fallu du temps avant que je puisse admettre que les deux personnages qui m'apparaissaient sur ces planches étaient bel et bien les mêmes. Cela en dit à la fois long sur la conception graphique et la cohérence rapportée dans l'œuvre. De cette dernière, on a de toute manière très vite fait le deuil. Il faut dire qu'on ne l'a pas connue, ce qui, forcément, facilite les choses.
Justicier des ténèbres... mais ténèbres et demi. C'est pas Violence Jack, ah ça non. Non, ce serait plutôt une sorte de justicier Tsundere, tendance «Je... je t'ai peut-être sauvé en tuant ce méchant, mais... mais en fait je l'ai fait pour moi. Ba... baka.». Vous situez ? Bien.
Le tout, évidemment, avec un manteau cache-poussière sale, marque de fabrique des héros de l'Ouest. Du moins le dit-on.
Vraiment, il ne manque à ce manga que d'avoir une idée originale pour se sortir de la spirale de poncifs arriérés, mais jamais il ne l'aura. Pas une, pas même pour la beauté du geste, ne serait-ce que pour dire que.
Green Blood, ça se lit dans son intégralité comme le résumé tendancieux et racoleur d'un épisode de Zone interdite.
«Dans l'émission de ce soir, sexe, crime, violence, prostitution, violence sexuelle et revolvers. Du cul, des trucs qui font «pan», d'autres qui font «boum», du sang, du sang, et puis DU SANG BORDEL ; des gueules cassées sous des chapeaux, du sexe, tout cela et plus encore. Et encore du sang aussi. Le tout, étalé devant vos yeux ébahis mais certainement pas surpris à force de voir sans cesse la même chose». C'est digne - tout en étant indigne - d'un Shônen bêtement violent et sans envergure. Qu'on ne s'y trompe pas, ce n'est pas de l'ultra-violence mais de la mal violence qu'on lit ; celle qui n'a ni propos ni même de qualités esthétiques à mettre en avant, rien qu'une profusion de sang d'encre à longueur de pages blanches. Ôtons l'hémoglobine et les nichons, il ne reste alors que le scénario ; et là, vaut mieux pas avoir faim.
Les dessins ne me plaisaient pas. Ils sont certes acceptables pour ce qu'ils sont, et plus encore pour ce à quoi il servent de support, mais cette relative brutalité du trait mêlée à ce qui se veut décidément trop propret dans un volet artistique trop finement brodé ici ne m'aura pas fait lever un sourcil. D'autant que... ce dessin, il m'était bien familier. Je m'étais alors dit qu'il était quelque part à mi-chemin entre ceux Rainbow et Battle Royale quand, finalement, l'évidence m'aura suggéré que, de Battle Royale, ils en étaient finalement très loin. Et pour cause ; ce sont exactement les mêmes dessins que ceux de Rainbow. J'ai l'œil, y'a pas à dire. Il ne me reste plus qu'à retrouver l'orbite d'où je l'ai extirpé.
J'aurais mis le temps à le réaliser, mais Green Blood, c'était une œuvre de Masasumi Kakizaki, l'auteur de l'inqualifiable Rainbow. Soudain, tout faisait sens. Et y'avait pas de quoi s'en réjouir.
Maintenant que je savais de quel baril ça avait fuité, je réfléchissais maintenant à deux fois avant de m'en resservir une louche. Masasumi Kakizaki peut peut-être ici dissimuler ce manichéisme carnavalesque qui est le sien dans les nébuleuses du flou moral qui enrobe le contexte historique, je garde cependant l'œil ouvert. Et je cherche toujours désespérément l'orbite d'où il est issu.
Les faciès démesurément vicieux des antagonistes ont vite-fait de situer qui sont censés être les gentils et les méchants dans l'affaire. Trahi par ses propres codes graphiques; à qui il se sera néanmoins livré les deux mains mains en l'air, l'auteur n'a visiblement pas tempéré ses élans manichéens. Ceux-ci sont réputés légendaires. Je le sais, parce que cette réputation, c'est encore moi qui lui ai taillée sur mesure. Et à raison. Quoi qu'il en soit, ce manque de subtilité flagrante pour ce qui est du dessin s'harmonise à merveille avec celle du script. S'il n'y avait qu'un soubresaut de cohérence à retenir de Green Blood, c'est à cela qu'il s'en tiendrait.
Brad est finalement un nom si commun pour s'accepter comme l'identité de ce qui se veut le personnage principal. À la place de l'auteur, j'aurais plutôt opté pour Edgy McDarkness, le patronyme lui serait alors mieux allé au teint. Quoi qu'à bien y réfléchir, si je m'étais trouvé à la place de l'auteur, je me serais abstenu d'écrire un pareil tissu d'âneries.
Tout, de la narration aux personnages qui se plaisent à ressasser les chroniques de Brad insiste pour nous rappeler la noirceur et les tourments de ce Batman en santiag. Poussif ; c'est à ce terme seul qu'on pourrait synthétiser le style de l'auteur.
Croulez maintenant sous le poids des clichés qui viennent alors que la pute au cœur d'or, éprise de notre irrésistible héros, lui demande de raccrocher son activité de bandit à temps partiel. Et voyez-le, ce bon Brad, rétorquer avec cet air bougon qui suscite plus volontiers le rire que le respect : «J'peux pas, faut que je tue un homme». Des personnages féminins inutiles, une histoire de vengeance écrites mille fois, un protagoniste aux manières d'anti-héros trop connues, Green Blood a tout de la série noire d'apparat. Il ne suffit pas de dire que l'on vient des ténèbres pour s'en imprégner ; un roman noir, ce n'est pas que poncifs et phrases toutes-faites comme semble le penser l'auteur. S'imagine-t-on Patrick Dewaere déclamer des one-liners sous la direction d'Alain Corneau ? D'Alain Corneau ici, on en est loin. Le noir, chez Green Blood, laisse comme une impression de gris clair.
Loin de se départir de ses mauvaises habitudes, Masasumi Kakizaki replonge - que dis-je - rechute dans ses travers coutumiers dont il semble pourtant si prompt à mettre en exergue. Voilà un auteur qui érige en qualité ce qui ne peut que se considérer que comme un défaut grossier aux yeux experts d'un lecteur digne de ce nom. Que tout ce qu'on lit ici est larmoyant et faux ; comme cela l'était déjà du temps de Rainbow. C'est impudique et ça se veut loin, mais alors très loin d'être émouvant. L'inconvénient du tire-larme désespéré - en plus de relever d'une forme de scénographie vulgaire - est qu'il engendre le contre-effet de ce qu'il cherche à véhiculer. Vous vouliez me faire pleurer monsieur Kakizaki ? Figurez-vous que j'ai encore des crampes aux joues à force de rire de vos procédés malhonnêtes. Si ça peut vous consoler, sachez au moins que j'ai ri aux larmes devant ce sens du pathétique affecté et infecté d'une sale maladie occasionnée par une mauvaise écriture. Incurable apparemment.
Ne dérogeant pas aux vieilles habitudes - a fortiori si celles-ci sont mauvaises - Kakizaki récidive ses entreprises de plagiats sommaires et grossiers comme il avait eu coutume de le faire du temps de Rainbow. Parce qu'il était coutumier du genre le saligaud.
La scène du client de bordel qui, au saloon, défigure une prostituée car celle-ci se serait moquée de la taille de sa queue, ça s'est déjà vu dans les exacts même termes. «Impitoyable», ça ne dit rien à personne ? À moi si. Et des Westerns, j'en ai vu plein. Kakizaki aussi apparemment. Les mêmes, j'en ai bien peur. Comment je le sais ? C'est très simple : j'en retrouve des petits bouts parfois très visibles tout le long de Green Blood. Et croyez bien que j'ai le regard suffisamment averti pour savoir distinguer une inspiration d'une copie flagrante. D'autant que le bougre n'en est pas à sa première incartade ; le concernant, le bénéfice du doute n'est simplement pas permis dès lors où il est question «d'inspiration». Lui aurait plutôt le genre d'inspirations susceptibles de nous faire expirer de dépit.
La suite des événements ne sera qu'un défilé d'antagonistes éphémères qui, d'aucune manière que ce soit, ne laisseront la moindre empreinte sur l'œuvre. Aucune en tout cas qui ne soit pas odorante et désagréable aux sinus. Vous y trouverez ici tout ce dont vous pourrez espérer d'un œuvre de vengeance où Batman aurait mis un chapeau de cowboy. L'écriture en moins, bien évidemment. Rappelons qu'il est question d'une composition de Masasumi Kakizaki, espérer de lui un soupçon de nuance ou même un zest d'originalité implique que vous ne savez clairement pas à qui vous avez affaire.
Encore un de ces mangas qui n'ont que le dessin pour sauver des bribes d'honneur. Et l'honneur, c'est encore un bien grand mot pour de si petits dessins.
Je savais d'ailleurs qu'on en viendrait aux méchants cowboys et aux gentils indiens. Nous y cheminions aussi directement que si nous avions emprunté la voie ferrée. Vous savez, le guerrier Sioux, fier, brave, noble et sans une ombre au tableau contre les méchants européens mesquins, aussi fourbes que lâches et rendus laids par leur cruauté. On y aura eu droit ; c'était cousu de fil blanc.
J'entends bien que la conquête de l'ouest ne s'est pas faite avec des roses, mais il n'est nul besoin d'en rajouter. Pas à moins de s'appeler Kakizaki. Pour lui, le manichéisme intégral, c'est un art de vivre ; son oxygène - celle qui l'inspire. Qui suis-je pour l'en priver ? Trois fois rien, simplement un lecteur avec un peu de bon goût. Ce qui, de toute évidence, n'est pas désigné comme le public cible de Green Blood.
Pour enfin terminer le calvaire - car cinq volumes paraissent une éternité en sa compagnie - nous aurons droit à une fin filée comme un pet foireux afin de nous signifier la conclusion - heureusement précoce - et tout le monde peut aller au lit après avoir subi une histoire à dormir debout. Ce qui tombe rudement bien, car jusqu'à présent, mes paupières se fermaient spontanément sans que je n'ai à les y forcer. Pour ce qu'il y avait à lire de toute manière, mieux eut valu que cela se fasse les yeux fermés.
Créée
le 3 avr. 2021
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