Gueule noire
6.2
Gueule noire

BD franco-belge de Antoine Ozanam et Lelis (2015)

Gueule Noire: la mine couleur nord et blanc par Ozanam et Lelis

Critique et extraits ici: https://branchesculture.wordpress.com/2015/09/27/critique-bd-gueule-noire-ozanam-lelis/


Mortifère et annihilant tout espoir, la mine semble appartenir à un autre temps. Pourtant, elle n’est qu’affaire de décennies ou, même, de quelques milliers de kilomètres. La mine, c’est une réalité angoissante qui hante et hantera tous ceux qui y ont un jour mis les pieds et ont eu la chance d’en sortir, d’en réchapper, même. Et pourtant, Ozanam et Lelis s’y sont jetés pour accomplir le destin de traits et de noirceur couleur charbon de Marcel, enfant de la mine que celle-ci ne semble pas résolue à voir s’éloigner.


C’est une histoire comme il en a eu cours dans le Nord de la France à une certaine époque, Germinal et tintintin… Marcel n’a rien demandé à personne, son destin est de crasse et son père bien inflexible: ce matin, le gamin entamera le premier jour du reste de sa vie, son premier jour à la mine. Il aurait bien essayé de négocier, mais rien n’y changera: la mine, ici, elle se cramponne à votre corps et s’harnache au peu de rêves que vous aviez pour mieux les obscurcir.


Sur le bord du chemin des mineurs, Marcel laisse sa première amoureuse et fait connaissance de Jacek. Ensemble, ils se promettent de s' »évader » dès la première occasion. Jacek n’a pas trop de mal à tenir sa promesse, mais il la tient seul, emmené par son père vers un autre eldorado, peut-être moins noir. Alors, Marcel continue, grandit et s’acharne contre cette Mère la Terre qui le lui rend comme elle peut ses coups en un premier grand coup de grisou. Un coup de trop qui fait 14 morts et enjoint Marcel à quitter cet enfer sans avenir pour rejoindre Paris, ses autres travaux guère plus réjouissants et sa bande de malfrats dans laquelle Marcel risque bien de se faire enrôler. Paris, réelle ville lumière ou autre carcan refermé sur la misère?


Au détour des premières pages de ce Gueule Noire, c’est toute une ambiance guère réjouissante qui nous saisit. Comme si le lecteur pouvait sentir l’âpreté de ce détour dans les tréfonds de la Terre, entouré de charbon. Dans ce roman ultra-graphique, les auteurs ont allié la forme au fond en proposant une mise en récit presque brouillonne tant on est pris sous cette tempête de traits noirs, si drus et si évocateurs d’une sinistre période où les hommes, en bétail pour lequel ils étaient pris, allaient tout droit à la mort. Qu’elle soit rapide, sous le coup d’un grisou ravageur, ou lente dans la toux lancinantes étouffant les envies de vies meilleures. Longtemps destinée à être colorisée, cette incursion dans le monde des terrils est finalement restée en noir et blanc, et c’est loin d’être un mal tellement la Brésilienne Lelis brille à illustrer l’indescriptible avec un savoir-faire impressionnant. Incursion dramatique et romancée dans ce monde pas si éloigné, Gueule Noire réussit son pari ambitieux de nous séduire en faisant ouvrage de la crasse. Lelis et Ozanam s’en sortent avec brio et méritent la pleine lumière sur cet ouvrage aussi inquiétant qu’intriguant. Et vous, saurez-vous vous en sortir de cette mine qui vous mine?

Alexis_Seny
6
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le 21 oct. 2015

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Alexis Seny

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