Fabrice Erre est un des auteurs de bandes dessinées qui me fait le plus rire. Qu’il conte le quotidien d’un enseignant dans « Une année au lycée », celui de Zorro dans « Z comme Diego », ou narre la conquête spatiale dans « Mars », il sollicite intensément mes zygomatiques. J’ai donc accueilli avec un grand enthousiasme l’apparition dans les rayons de librairie « Guide sublime » en mai dernier. Il s’agit d’un ouvrage dont le format s’apparente davantage à celui d’un roman que d’un album classique. Edité chez Dargaud, le bouquin se compose de cent soixante-huit pages. Dès les premières pages, on y apprend que les strips de ce livre ont initialement été publiés dans la revue numérique « Mauvais esprit ».
Le Guide sublime est un dictateur. C’est son quotidien politique que nous sommes amenés à découvrir. Chaque planche présente un moment de la vie de ce chef d’état despote. Chacune peut être lue de manière indépendante. Cette structure narrative permet une lecture intense et rythmée. Il s’agit donc d’un opus qui peut se picorer. Il n’est pas nécessaire de le terminer d’une traite. Je pense qu’il est plus pertinent de s’y plonger par petite dose. Cela permettra de savourer chaque bouchée plutôt que de risquer l’indigestion.
En effet, le caractère très excessif du personnage principal fait que j’ai eu le sentiment constant d’être immergé au beau milieu d’une crise d’hystérie. Le Guide hurle en permanence des décisions aussi incohérentes que dénuées de sens. Ne le voir jamais s’arrêter ou s’apaiser fait que cette lecture fatigue par moment. Cette frénésie transpire des pages. Par contre, le lire par petite touche permet de profiter davantage de l’humour caractéristique généré par la plume de Fabrice Erre.
Le casting de l’entourage du guide sublime nous est quasiment intégralement présenté sur la couverture. On y découvre ses ministres, sa garde rapprochée et une curieuse infirmière aux formes chaloupées. Il ne manque qu’un collègue dictateur, l’empereur Bogolo, qui jouera un rôle central dans la démarche de propagande de son acolyte. L’auteur ne s’embarrasse pas de personnages secondaires sans contact direct avec le chef. Fabrice Erre nous fait entrer dans les arcanes du pouvoir géré par ce fada mégalomane.
La thématique est un terreau attrayant pour faire pousser une œuvre drôle et délurée. Les premières pages démarrent sur les chapeaux de roue. Les caractéristiques de ce cher Guide sont sans équivoque : il est complètement fou ! Il fait honneur à toutes les caricatures du genre. La première planche nous le fait découvrir complètement hystérique en train de hurler que sa première décision sera de rendre obligatoire le port de la moustache. Le trait de Fabrice Erre traduit complètement le côté possédé du souverain. La mise en bouche est sans équivoque : le programme est annoncé.
Pour conclure, je conseille de lire cet album par petite touche. Cela permettra de savourer l’imagination de Fabrice Erre sans pour autant subir le côté effréné de ce Guide sublime. L’auteur construit beaucoup de ces gags dans le même canevas. Cela peut faire ronronner la lecture si on la fait d’une seule traite. Je place cet album en-dessous des précédents opus de cet auteur. Néanmoins, il est reste habité par son univers caractéristique. Et ce n’est déjà pas si mal…