Fin du XIXème siècle, Jonah Hex arrive à Gotham City… Et là normalement, si vous êtes une personne bien constituée, vous êtes déjà sur un autre onglet de votre navigateur web en train de commander le TPB (vous pouvez tenter les comic shop, mais j’ai un peu peur que vous vous y cassiez les dents, si vous en habitez en France tout du moins), sauf si bien entendu, vous avez déjà le bouquin chez vous. Pour les autres, je vais poursuivre, si vous le permettez. Jonah Hex arrive donc en ville pour une affaire de meurtres en série, perpétrés sur des prostituées. Oui, c’est tout de suite moins glamour. En même temps, je ne sais pas ce que vous attendiez de glamour de la part de Jonah Hex. La police locale a trop à faire pour s’occuper de ces histoires et embauche donc le chasseur de prime. Oui, c’est une autre façon de dire qu’ils sont graves dans la mouise. Dommage pour Jonah qui va devoir se coltiner le docteur Amadeus Arkham (ça vous dit quelques choses ? Vraiment ?) qui s’invite dans l’enquête. Bastons et mystères, voilà ce qui attend les deux compères d’infortune, avec en toile de fond, un Gotham City naissant dont la puissance et le chaos émergent doucement, portés par les vents du Far West.



Jimmy Palmiotty et Justin Gray reprennent ici leur titre Jonah Hex qu’ils ont conduit pendant plus de 50 numéros avant le relaunch. Il se voit un peu métamorphosé, déjà par son titre, plus « généraliste », et son contenu. La série Jonah Hex était surtout composée d’histoire stand alone (excellente) axée sur le chasseur de prime défiguré. Ici, nous avons une histoire en arc (même si ça arrivait aussi de temps en temps dans l’autre série) et des back-ups portant sur d’autres personnages « western », avec ou sans super-pouvoirs. Toujours dans le but d’étendre l’univers DC.

Et moi, je ne peux que dire une chose : j’adore. J’ai toujours aimé le style simple et efficace du duo Palmiotti/Gray, ils connaissent leurs personnages et aiment les mettre dans des situations cocasses ou tout simplement violentes. Les histoires ne sont pas forcément des « blockbusters » (même si ici pour le coup, ça y ressemble un peu), mais la force des situations est réelle et donne envie de se plonger corps et âme dans l’univers. Jonah Hex, le personnage, est maîtrisé de bout en bout. La réintroduction du vétéran de la guerre de sécession dans l’univers n’a pas lieu ici. On ne se prend pas la tête avec ces détails. Le personnage connaît déjà sa base de fan et il est probable que seuls les lecteurs de sa série viendront sur ce titre (même si j’invite tous les autres à le rejoindre, sinon je ne serais pas là à vous en parler !). Et Jonah Hex à Gotham… c’est suffisamment percutant et cocasse pour être intéressant. Même si c’est aussi du fan service gratos et pour peu qu’il croise les Wayne… Hum…



Et de l’autre côté, nous avons Amadeus Arkham et le travail sur ce « nouveau » personnage n’en est pas moins fascinant. Il servira beaucoup de narrateur, qui abordera Hex avec un brin de psychologie (histoire de revenir sur le personnage pour contredire ce que je dis plus haut, ça fera donc office de présentation pour le chasseur de prime). Et c’est juste excellent. On se retrouve d’un côté avec un Jonah Hex violent et solitaire, qui ne pinaille pas sur la façon de faire, et de l’autre, un docteur calme et limite froussard, qui préférera tout calculer avant d’agir. Inutile de dire que le duo va avoir du mal à se trouver. Et on pourrait penser que tout se met en branle de manière un peu capilotracté, mais il n’en est rien. Tout est parfaitement fluide et plaisant. Et on se met à fantasmer sur les « comment » et les éventuels « pourquoi ». Arkham étant un personnage historique pour la ville de Gotham. Comment va-t-il être amené à fonder cet asile que nous connaissons tous, et pourquoi ? On s’imaginerait presque que Jonah Hex n’est pas étrange à tout ceci. Mais je ne vais pas vous mentir, ce n’est pas dans ce tome qu’on verra l’ombre d’une réponse.



Pour l’histoire en elle même, on est peu habitué à ce que Gray et Palmiotti prennent leur temps (du moins quand ils ne font pas des histoires stand alone). Encore une fois, la série se prête plus à une version TPB et peut mettre un peu de temps à se foutre en place. Mais cela n’en reste pas moins très plaisant à lire. Gotham est elle aussi très bien développée, et on remarquera l’intelligence des auteurs, avec la manière dont ils se rapprochent et absorbent les travaux récents de Scott Snyder sur la série Batman et notamment la mini-série Gates of Gotham qui a été publiée avant l’ère New 52. On prend du plaisir à voir les fondateurs de cette ville se tirer dans les pattes. La corruption prenant déjà une place importante dans cette ville sombre et gothique.

Les dessins de Moritat renforcent la personnalité de cette BD au combien différente, en terme de ton et de personnage du reste de la production mainstream. Certains pourront dire qu’il bâcle certaines cases ou pages. Mais c’est son style qui reste « tache » et « sale », comme le veut ce personnage de Jonah Hex et comme le veut cette ville pourrie dès ses débuts. Pour moi, ce dessin atypique est un coup de coeur assuré, sans compter que malgré le côté crado assumé, cela reste super lisible et Moritat nous offre parfois le luxe de faire de beaux paysages bien remplis (les cases représentant le ville de Gotham du XIXème siècle sont justes à tomber !).

Tout comme le « sang » prend une place importante dans le récit (Jonah Hex est quelqu’un de bourrin à la base hein…) et qu’il est ici représenté de manière somme toute assez simple, comme des taches rouges qui viennent parsemer les planches, renforçant cet aspect crado et négligé que j’affectionne particulièrement. Y’a pas à dire, c’est vraiment un excellent premier tome. L’histoire se conclut et débouche sur une seconde, qui annonce de l’ampleur et du complot comme jamais ! J’ai hâte d’y être.



Un petit mot tout de même sur les deux back-ups de ce premier tome. La première histoire reprend le personnage de El Diablo, un homme possédé par un démon. Ce dernier peut sortir et s’exprimer si on assomme son hôte. S’en suit un carnage généralement pas beau à voir pour les méchants. Surtout qu’ici, on a affaire à une histoire de zombies (ils sont partout oui…).

Le second back-up est à mon sens plus intéressant. Il présente le personnage de The Barbary Ghost, qui n’est rien d’autres qu’une jeune asiatique utilisant l’illusion pour fondre sur ses ennemis. Un personnage en quête de vengeance. On y dépeint ici ses origines et sa première affaire. Traitement classique en soit, mais idée intéressante et qui j’espère se verra reprise par la suite !

Les dessins ne sont pas de Moritat sur ces back-ups, mais restent dans un style similaire, qui tire un peu plus vers le cartoon. Ça se prête plutôt bien au contexte aussi. Amusant d’ailleurs de constater certaines ressemblances avec le style d’une BD comme Lucky Luke dans les pages de la BD sur El Diablo. Les univers, en dehors du cadre western, n’ont que peu de rapport entre eux, mais ça fonctionne tout de même.



Vous l’aurez compris, cette anthologie Western me plaît énormément et je n’en suis franchement pas déçu. J’avais un peu peur du changement de formule, vu que j’étais particulièrement fan de la série Jonah Hex (qui n’a toujours connu qu’un succès d’estime, hélas), mais je suis maintenant complètement rassuré. Et j’ai une nouvelle fois, hâte découvrir la suite !
Freytaw
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Créée

le 17 déc. 2012

Modifiée

le 12 févr. 2013

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