Contes de la Mille et deuxième nuit
On m'a prêté Habibi en me disant "tiens ça va te plaire, j'ai adoré", ça fait plus de 650 pages (pas de panique ça se lit en deux heures), si jamais les illustrations n'étaient pas aussi éloquentes et belles... si ça ne parlait pas d'une sorte d'Orient fantasmé je n'aurai sans doute pas fait le voyage.
L'histoire se passe donc dans un genre d'Orient des 1001 nuits transposé à l'époque actuelle et rien que ça, ça parle à mon imagination et à mes sens. On est dans cette représentation d'un pays imaginaire que l'on a tous quelque part fantasmé, mais on a ici les joies et les peines qui permettent de sortir de ce simple rêve sensuel.
J'ai vraiment adoré toutes les histoires racontées par l'héroïne, mettant ainsi en scène des passages du Coran, allant même jusqu'à comparer certains passages avec la Bible (le sacrifice du fils d'Abraham, était-ce Isaac ou Ismaël ?), c'est réellement sublime graphiquement et c'est d'une grande poésie, ça donne envie non seulement de se plonger dans cette culture mais également de lire le Coran pour sa "beauté".
La BD mélange un peu les époques dans sa narration, ça reste toujours pertinent sans que l'on s’emmêle les pinceaux, ça n'en dit jamais trop, ni pas assez. C'est vraiment d'une grande précision, ce qui en fait finalement une oeuvre très aboutie et franchement ambitieuse et audacieuse.
Alors peut-être que la fin m'a un peu moins marquée que le début et le milieu qui se déroulent dans un paysage beaucoup plus oriental, mais on a vraiment une BD qui se tient de bout en bout, avec une grande cohérence et qui parvient à ne pas tomber ni dans le mélo facile (et pourtant on pourrait), ni dans la morale gratuite, c'est quand même plus ambitieux et intelligent que ça. Les personnes sont des battants, surtout la fille, qui est clairement une héritière de Shéhérazade (mais qui a sa propre personnalité, beaucoup plus actuelle (ce qui n'est pas forcément un mieux) et qui ne sombre pas dans la redite ou la simple décalque) mais qui ne peuvent rien face à ce monde déréglé, où finalement le refuge reste l'amour et la spiritualité. Franchement c'est pas si mal comme message.
C'est assez beau, parfois un peu émouvant (bon je dois avouer que je n'ai pas eu la petite larmichette à l'oeil, mais tant mieux, ce n'est pas putassier, donc ça ne tombe pas dans tes procédés racoleurs), mais juste vraiment juste dans l'ambigüité des relations entre les personnages, notamment entre les deux héros (frère et soeur, mère et fils, mari et femme, amis ?) avec une relation qui va donc évoluer au fil des pages et qui sera le véritable moteur de l'intrigue, retrouver ces moments de bonheur le soir où l'on se racontait des histoires (lorsqu'on parlait de Shéhérazade).
J'ai également l'impression qu'on ne va pas forcément juger, dire c'est bien, c'est mal, c'est également plus ambigüe que ça. Je pense au tout début où l'on assiste à un mariage forcé entre l'héroïne et une vieux monsieur qui va la dépuceler... le type ne va pas être montré comme un monstre, certes il fait quelque chose que la fille n'aime pas, en même temps à neuf ans, c'est normal et pourtant il va malgré tout lui apprendre des choses, elle prendra conscience de certaines choses par rapport au pouvoir de la femme, etc. C'est vraiment intéressant à suivre pour ça, il n'y a pas d'un côté les bons et de l'autre les gentils, les gens sont capables du meilleur comme du pire.
Bref c'est vraiment bien et l'univers est réellement fascinant, ça m'a donné envie de continuer les 1001 nuits, de lire le Coran...