Permettez un lieu-commun. Je ne suis pas coutumier du fait, du moins je ne le pense pas, mais celui-ci est irrésistible à l'issue d'une lecture de Haikyu et il est le suivant : «Il y a eu un avant et un après Slam Dunk». Pour ce qui concerne le manga-sportif j'entends. Oui, il y a décidément eu un avant et un après Slam Dunk et, force est de constater qu'il ne fait pas bon passer après. L'excellence, si elle succède à la perfection, ne nous apparait finalement que comme décevante. Et d'excellence ici, il n'en sera pas question pour commencer. Autant vous dire que voir un nain de plus marcher dans les empreintes d'un géant est un spectacle déjà bien triste, plus encore quand il se veut, de base, affligeant de banalité.


Depuis Slam Dunk, il ne se sera peut-être trouvé qu'un seul manga-sportif capable de susciter un engouement justifié pour ce qu'il avait à nous offrir. Et pour cause, il avait eu le bon sens de s'extirper du schéma narratif et scénographique de Takehiko Inoue au point où la comparaison ne pouvait simplement pas être faite. J'ai bien senti que, de son côté, Haruichi Furudate voulait lui aussi s'émanciper de la malédiction de Slam Dunk. Il aura essayé, j'admets au moins cela, mais il n'aura guère fait plus pour échapper à la comparaison. Je ne parle pas d'une stricte copie ou d'un plagiat, loin s'en faut ; simplement un parcours similaire pour ce qui est de son récit. Un parcours que Takehiko Inoue ne fut d'ailleurs par le premier à tracer mais, en tout cas, celui qui se le sera approprié par la magnificence de son œuvre.


Mais pour échapper à la malédiction Slam Dunk, il faut se transcender. Et quand il est question de bons sentiments sur la force de la volonté qui, supposément, surclasse tout le reste, un lecteur avisé et expérimenté des shôneneries - pour être poli - saura que la transcendance ici s'accomplit vers le bas. Pour ne pas être comparé à Slam Dunk, il faut savoir faire quelque chose de nouveau. Or, il n'y a rien ici que vous n'aurez jamais pu lire ailleurs.


Les personnages apparaissent antipathiques d'entrée de jeu. Exubérants, remuants, on les entend presque nous hurler leurs mièvreries dans les oreilles sans rien apporter de nouveau. Vous recherchez de l'authenticité ? Mauvaise adresse. Mauvais quartier. Mauvaise ville. Mauvaise région. Mauvais pays. Mauvais univers. Vous en êtes loin, très loin. Ces protagonistes délivrés ici, vous les connaissez déjà. Vous les avez déjà vus ailleurs. Peut-être même un peu partout à force de multiplier les lectures Shônen (ce que je ne recommande pas pour la stabilité psychologique). Rien d'autre que les copies de copies de copies. Et photocopier une photocopie, c'est rendre plus terne le rendu final. La fadeur, ici, imprègne le papier.


Pas seulement d'un point de vue allégorique ; les dessins sont moyens. Lisez bien, ils ne sont pas bons, ils ne sont pas exécrables ; ils sont moyens. Ce qui, en un sens, se veut pire encore que dire d'eux qu'ils sont mauvais puisqu'ils n'ont rien de significatif à présenter, que ce soit en bien ou en mal. Mieux vaut être haï mais reconnu que consensuel et insignifiant. Ce que sera Haikyu, du dessin jusqu'à ce qui se trouvera derrière. Ou plutôt de ce qui ne se trouvera pas derrière.


Car Haikyu - qui n'est pas à un défaut près - cumulera par-dessus tout cette tare inhérente aux mangas-sportifs dans un milieu lycéen. Cet inconvénient notoire tient au fait que l'on observe bien plus souvent le gymnase que les couloirs jouxtant les salles de classe.
De la variété et surtout, un contexte autre que l'entraînement/match est une occasion toute désignée pour développer ses personnages en dehors de leur strict rôle dans l'équipe. Les relations entre les personnages principaux s'en tiennent au volley et à ses enjeux ; à rien d'autre. Ce ne sont pas des êtres humains qui interagissent, mais des données strictement sportives qui ne sauraient s'extirper des cases très étroites dans lesquelles on les a réduites. À quoi bon suivre les péripéties de tels personnages alors que rien chez eux ne nous incline à ressentir ne serait-ce que le plus insignifiant intérêt à leur égard. Des variables pré-programmés à émettre des actions et des phrases toutes-faites ; curieux protagonistes. Curieux, mais hélas légions dans les Shônens de toutes tendances.


Moins cliché qu'un Kuroko's Basket, peut-être, mais tout aussi morne et monotone. Je n'ai pas ressenti la passion ou le dynamisme d'un auteur impliquant véritablement ses personnages dans un match. Quand l'amour de Takehiko Inoue pour le Basketball n'est plus à démontrer, j'aurais ici douté à chaque planche de l'enthousiasme que l'auteur put seulement éprouver pour le sport qu'il mettait ici en scène.


Qu'on nous présente du volley en abondance dans un manga intitulé «Les As du Volley», je peux encore le concevoir dans ma grande mansuétude. Cependant - car ma mansuétude n'est pas si grande que ça - à moins d'employer des trésors d'astuce et de mise en scène comme cela se faisait du temps de Slam Dunk - ce que Haruichi Furudate n'est pas capable de faire - le rendu en devient forcément rébarbatif au possible.


Et hélas, chaque chapitre nous donne l'impression d'être captif des filets par-dessus lesquels les balles n'en finissent pas de fuser. Les matchs ne sont guère que des schémas narratifs déjà connus où chaque réaction, fusse-t-elle issue de l'action des protagonistes ou des antagonistes, est prévisible d'un chapitre à l'autre. Il n'y a de place ni pour l'aventure, ni pour l'humour. En tout cas, pas pour la variété d'humour susceptible de faire rire.


On se demande pourquoi, après quelques tomes seulement, on s'obstine à lire un manga où les personnages sont inintéressants, que la seule et unique préoccupation de l'intrigue tourne autour du volleyball au point d'en devenir soporifique et que, les matchs de volleyball... n'ont en plus rien de passionnant à offrir. Car là est le drame en définitive. Du volley encore, du volley toujours, du volley dans cet univers et dans tout ce que le plan existentiel peut comporter de monde parallèles, je veux bien, mais seulement à condition que les matchs soient prenants.
Ne comptez pas sur cela non plus. Les affrontements sont véritablement inintéressants. Sans rythme. Que ce soit au regard du dessin chargé de retranscrire les intentions de jeu, l'ordonnance des pages et des idées, rien n'enclenche la flammèche capable d'initier la passion d'un lecteur qui, devant Haikyu, restera passif. Un auteur avec de la suite dans les idées pourrait rendre le curling passionnant et Haruichi Furudate sera lui, parvenu à rendre assoupissant un sport où il n'y a pourtant aucune place pour le répit sur le terrain. Soyons déjà reconnaissants qu'il n'ait pas cherché à nous prendre par les sentiments et surtout, la libido, en centrant son histoire autour d'une équipe de joueuse de Beach Volley. Considérant tout ce que j'ai pu lire dans ma triste vie, une telle retenue chez l'auteur tient presque lieu d'intégrité artistique.


Que dire de l'insignifiant Haikyu si ce n'est qu'il est un concentré de poncifs du début à la fin avec un milieu clairement trop long. Enchaîner et multiplier les paragraphes pour en faire sa rétrospective est finalement chose futile quand résumer la nomenclature et cocher ou barrer les cases correspondant à tous les éléments qui le composent suffirait amplement :


Mise en scène [X]
Personnages [X]
Dessins [X]
Originalité [X]


Quand c'est foiré, c'est foiré, nul besoin d'épiloguer. Mais il faut bien justifier le pourquoi de l'échec au nom du «plus jamais ça». «Plus jamais ça» qui, apparemment, au Japon, semble se traduire par «encore» à en juger la persévérance des mangakas dans leurs prévarications multiples. Haikyu, c'est pas des as, c'est des deux de trèfle. Je note en conséquence. Le trèfle en moins.

Josselin-B
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le 12 déc. 2020

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Josselin Bigaut

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