Gros délire/délit d'auteur
J'adore Samura, certainement mon dessinateur favori... Mais il ne faut jamais laisset carte blanche à un auteur aussi talentueux soit-il !!!Halcyon Lunch est un concentré des délires de l'auteur, de...
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le 15 avr. 2023
Hiroaki Samura, je ne l’avais pas revu depuis l’Habitant de l’Infini. Ça fait une paye. Le dessin brut et partiellement inachevé me fera toujours cet effet enchanteur duquel je ne peux pas me détourner. Ça a un charme, mais le charme, ça s’étiole, alors on prend garde au reste bien assez tôt. Et le reste m’a très vite frappé comme un récit bricolé confusément avec des morceaux d’humour lourdingues pour épaissir une sauce dépourvue de goût.
Rien que l’orchestration des cases et des dialogues est brinquebalant, on ne comprend rien à ce qui se dit ou se passe. La saturation des gags et des références culturelles étouffent le propos même du dialogue, comme si quelqu’un cherchant à articuler un propos était sans cesse coupé par un guignol qui n’a que de vaines agitations à offrir pour faire l’intéressant. Ça n’est pas drôle, Halcyon Lunch, ça n’est pas décalé, mais ça désespère de l’être tant et si bien qu’on se sent mal de ne pas répondre aux stimuli que cherche à provoquer chez nous l’auteur.
Un clochard rencontre une fille qui peut tout manger quasi-instantanément et vomir le tout sous une forme combinée de tout ce qu’elle a avalé. Qu’on se le dise… c’est une adaptation libre des aventures de Wapol que nous lisons ici. Le concept ne peut pas même se targuer du privilège de l’originalité. Alors, ce synopsis posé, on se demande : « à quoi cela peut nous conduire puisqu’aucun but ni enjeu n’a été déterminé dès le premier chapitre ». La licence humoristique pour excuser l’absence de propos ? Même Bobobo-bo-bo-bobo se sera embarrassé d’un scénario ; comme toutes les comédies Shônen qui y allaient de leurs Slice of Life drolatiques. Ici, les choses se font sans qu’on sache pour quelles raisons elles adviennent dans un festival de boutades aléatoires et perpétuelles dont aucune ne parvient à faire mouche lorsqu’elles nous atteignent. Il essaye, ce bon monsieur Samura, je ne lui ferai pas le procès de la fainéantise, il ne mesure pas ses efforts pour nous faire rire ou créer le décalage… mais ça ne prend pas.
Halcyon Lunch, dans ce qu’il a de surnaturel a un petit quelque chose de Level E. Petit ; minuscule, mais bien présent. C’est sans doute le mélange de mystère, d’horreur soutenue, de noirceur et d’humour, avec Hyos comme pis-aller du Prince Baka, qui conduira à établir une parenté. Mais les proportions, ici, ne sont pas maîtrisées et le soufflé s’essouffle à peine sorti du four. Il faut dire que le souffle vient à manquer alors que les personnages crient et babillent à l’envi et jusqu’à la déraison, échaudant les nerfs d’un lecteur qui fatiguera bien assez tôt de les voir parler pour ne rien dire et entretenir une agitation stérile de tous les instants afin d’avoir l’impression que quelque chose se passe.
Et cette propension à faire sans cesse de références culturelles… ça m’aura si bien rappelé Fire Punch que cela m’aura prédisposé à être plus impitoyable encore dans mes récriminations. Oui, monsieur Samura, nous avons vu vos références à Kaiji dans le chapitre deux et quatre, oui, monsieur Samura, nous avons vu votre référence à Battle Tendency dans le premier et sixième chapitre, oui monsieur Samura, nous avons aussi vu votre référence à Neo Genesis Evangelion, oui monsieur Samura, nous avons vu votre référence à Phantom Blood dans le chapitre trois, oui monsieur Samura, nous avons vu votre référence à Slam Dunk dans le chapitre cinq, oui monsieur Samura, nous avons vu votre référence à Usogui dans le chapitre sept, oui monsieur Samura, nous avons compris qu’en tant que mangaka, vous avez été amené à lire d’autres mangas, à les apprécier, et à faire des évocations grossières de ces derniers dans votre œuvre pour la finalité de ce faire. Ça n’apporte rien au récit, pas même une dose d’humour pertinente. Comme pour le reste des références culturelles lourdingues et jetées là sans jamais trop qu’on sache pour quelle raison. « Je connais des trucs » nous crie-t-il alors à chaque page qui vient. Très bien… mais de ces acquis, vous n’en faites rien si ce n’est nous dire qu’ils ont été justement portés à votre connaissance.
C’est… sans arrêt. Et ça n’est jamais perpétré à dessein.
L’enchaînement des répliques est erratiques et inconséquent au point d’en être nuisible à la lecture. On jurerait par moment qu’il manque des cases tant le saut d’une réplique à une autre n’est pas naturel. J’aurais pu mettre ça sur le compte de l’amateurisme de l’auteur…. Mais pour avoir lu l’Habitant de l’Infini, je puis jurer sur l’honneur et tout ce qui m’est cher qu’Hiroaki Samura n’est pas un auteur à la petite semaine et qu’il a tout d’un grand. J’en déduis que la scénographie a délibérément été travaillée pour être confondante et mal agencée. Rarement j’ai buté sur chaque case comme je l’ai fait avec Halcyon Lunch. S’il s’agissait d’un effet d’écriture, il est loupé au point d’en être nuisible.
L’humour ne prend pas. Déjà prévisible, il est en plus frénétique et déchaîné sans jamais être efficace. On sent qu’il cherche à se saisir de nous à chaque page qui vient, mais il est si maladroitement amené qu’on répugne à seulement sourire tant tout y est vulgairement forcé. Le potentiel humoristique y est pourtant, et je suis bon client en principe… mais l’étincelle ne prend jamais. C’est en plus si souvent immature en ce sens où le rendu y est grossier et faussement paillard et inutilement grivois qu’on n’est que mieux encouragés à se détourner du élan de comédie pour ce qu’il a de lamentable.
C’est comme si je lisais un condensé de blagues lourdingues de darons mélangé à des beauferies de camping qu’on aurait saupoudré de l’absurde à la nippone dans ce que celle-ci a de plus fatigante. Ce qui en résulte est innommable. Halcyon Lunch est une œuvre composée alors que l’auteur en a bouffé cent-six autres avant des les régurgiter en deux volumes informes et indéfinis. C’est sans doute de là que Samura a puisé l’inspiration pour le pouvoir d’Hyos qui est finalement une allégorie de ce qui pave son récit orienté vers le néant.
Passé le deuxième volume… on plonge droit dans du Bobobo-bo-bo-bobo version Seinen et vulgaire. Pas le Bobobo des débuts… non. Celui passé le volume treize, quand Yoshio Sawai improvisait piteusement. On retrouve tout ça ici.
J’ignore à qui s’adressait Halcyon Lunch et si même le manga s’adressait à qui que ce soit. J’y ai lu un globiboulga fait d’autres choses mélangées en une bouillies noirâtre dans laquelle l’auteur y a trempé sa plume pour tous nous étaler ensuite sur papier. Ça n’était pas drôle, aucun personnage n’est franchement attachant, c’est mal inspiré et ça vous sature sous les références culturelles parce que. Ah mes aïeux… qu’est-ce qu’on rebondit mal après un premier succès critique. Courage monsieur Samura. Par élimination, on peut en tout cas confirmer à présent que les mangas comiques ne sont pas de votre ressort. C’est un bon début.
Créée
le 7 sept. 2024
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