John Constantine, le magicien d'Oz

Peu importe ce qu'on pense du film Constantine, moi je l'ai vu au ciné quand j'avais 12 ans, j'avais adoré, et dès que j'ai découvert dans les bonus du DVD que c'était adapté d'un comic, j'avais envie de le lire.
A l'époque, il n'y avait pas encore eu les comics édités par Panini, en France il y avait uniquement 2 tomes publiés chez Toth (le troisième est venu plus tard), et à chaque fois que j’allais chez la libraire près de chez moi, elle n’arrivait pas à contacter l’éditeur (pas étonnant qu’ils soient restés dans l’ombre). Elle m’a finalement annoncé que les albums étaient épuisés. Par je ne sais quel hasard, j’ai trouvé le tome 2, "Good intentions", dans une grand magasin, et plus tard le tome 1 sur leur site !
"Hard time" est donc le second Hellblazer que j’ai lu, après avoir plusieurs relu l’autre tome.
Pourquoi chez Toth ont-ils édité cette histoire-ci en premier ? Probablement parce qu’ils aiment Richard Corben : ils ont publié deux albums de Den, et le traducteur de cet Hellblazer-ci encense le travail du dessinateur dans son très beau texte d’intro (bien plus appliqué que la traduction, qui retranscrit mal quelques subtilités de la VO). Et comme le traducteur nous l’explique, cet album-ci marque un renouveau dans la série Hellblazer, qui se voit écrite pour la première fois par un auteur US, Brian Azzarello.

L’histoire : imaginez John Constantine qui débarque à Oz. Je n’avais pas vu Oz la première fois que j’ai lu ce comic, mais maintenant j’ai vu toute la série, et j’ai eu l’idée de relire Hard time en découvrant que dans Kick-ass 3, Hit-girl dirigeait des gangs en prison, et j’espérais que ce soit comme dans Oz. Ils devraient faire plus de comics ainsi : Deadpool à Oz, Punisher à Oz, … (même si Castle a eu un passage en case prison dans "La fin"… dessiné aussi par Corben !)
Je comprends que certains disent que Hard time est un plagiat d’Oz, la "référence" est nullement dissimulée. Tous les groupes de prisonniers sont les mêmes que dans la série, à part qu’il y a le groupe des "perpètes", les plus dangereux car ils se foutent de tuer quelqu’un, ça ne va rien changer à leur peine.
Le narrateur est la pute d’un des prisonniers. Au départ il est content car celui à qui il appartient s’intéresse à John, mais il est ensuite terrifié en voyant comme le nouvel arrivant prend le dessus sur tous ceux qui viennent le chercher.
Il y a notamment un personnage qui ressemble beaucoup physiquement à Saïd, de la fameuse série d’HBO, et on retrouve également la situation du verre pilé mis dans la bouffe. Mais ce qui est génial, c’est de voir comment Constantine réagit : face aux gangs, il balance son sarcasme cinglant et futé, et contre les pièges qu’on lui tend, il utilise sa magie. John ne fait rien de spectaculaire, mais c’est génial quand même, comme quand il démolit les musulmans en leur faisant littéralement tourner le dos à dieu.
L’auteur a des idées de réflexions de la part des personnages (le début, quand le narrateur se fait enculer) ou de tournures superbes : "je pouvais pas le baiser, on aime tous les deux être au-dessus", qui joue sur les deux sens de "be on top" en VO (ça passe un peu à la trappe avec la traduction). Dans la scène où tous les chefs de gang se plaignent de John, il y a un twist qui rend le personnage vraiment redoutable.
Par contre, "Hard time" n’est pas le meilleur album pour commencer à lire du Hellblazer, il y a pleins de choses que je n’avais pas compris à l’époque, qui sont ces fantômes qui apparaissent à la fin, par exemple.
Maintenant que j’ai relu l’album en étant plus âgé et en connaissant mieux le personnage, il y a moins de zones d’ombre, quoique la fin reste floue (je sais pas si c’est plus clair en VO, vais télécharger le comic en anglais pour vérifier).

Concernant le dessin, je ne pourrai en parler aussi bien que le traducteur, Jean-Marc Lainé, mais j’ai pu m’apercevoir qu’il n’exagérait pas dans ses propos pleins de métaphores et d’adjectifs pompeux, si bien qu’on pourrait croire qu’ils sont fantaisistes. Effectivement, dans ces dessins de Corben il y a un très beau travail sur les textures, les plis des vêtements, la rouille sur les portes des cellules, les veines qui ressortent, les muscles bandés, … Effectivement, les personnages sont comme des tas de viandes, on sent la chair sous leur peau ; par contre, il faut remarquer que c’est aussi en grande partie grâce au travail de colorisation de James Sinclair.
Et il faut remarquer aussi de la part de Corben ce sens de la composition et du point de vue original, qui donnent de la force aux images.
Corben bâtit les décors et les personnages en les faisant immerger, par dégradés, d’ombres d’un noir profond. Peut-être grâce à son choix du placement des ombres sur les visages, faisant ressortir certaines rides et veines, les personnages ont tous des têtes horribles, mais quand ils sourient ils ont carrément l’air de monstre. Même lors de cette scène de strip-tease, chaque posture lascive ou moue de la femme devient affreuses sous le trait de l’artiste.

Le scénario a ses originalités, malgré tout ce qui est pompé sur Oz, mais le dessin de Richard Corben à lui seul suffit pour faire de "Hard time" un très bon album.