J’aime bien le dessin. Quand on part pour une descente aux Enfers, il faut savoir retirer le meilleur de l’expérience. Aussi, de même que les finitions des murailles de Pandemonium sont détaillées et dignes de louange, je dois dire que le dessin ne me rebute pas. Il ne m’enchante pas non plus, le fait est que j’apprécie néanmoins le coup de crayon parcourant ici les portraits féminins qui, s’ils m’apparaissent quelconques ou navrants la plupart du temps, me seront cette fois apparus comme authentiquement charmants. On ressent en tout cas, derrière la plupart des esquisses chargées de représenter Hamura, un soin particulier dans le dessin commis.
Enchanté, je le fus moins par le scénario. J’ai l’impression que ça revient en boucle, la trame du personnage principal discret, gentil et minable bien qu’attachant, dans tous les Seinens qui passent ces années-ci. Depuis plus de dix ans au moins. Alors, je comprends bien que les auteurs cherchent à parler à leur public en modelant leur protagoniste sur le lecteur de manga moyen, mais ils pourraient chercher à les grandir plutôt qu’à sans cesse se mettre à leur niveau.
Ce personnage-ci, timide, trouva la force d’inviter une fille qui lui prête attention par magie et qui finit même, après une première rencontre, par poser pour lui le temps d’une peinture. L’intrigue est au service de ses protagonistes, mais pas de ses lecteurs qui, en ce qui les concernent, y verront une série d’incidences heureuses franchement trop bien tombées pour être naturelles. Évidemment, c’est la petite amie parfaite qui sourit tout le temps et mignonne en toute circonstance. Le poids des fantasmes de l’auteur pèse alors bien lourd sur son œuvre.
On comprend bien assez vite, après le drame initial, qu’il a dans la caboche un morceau de la cervelle de son assaillant. Un manga qui traite de la mémoire génétique avec ce qu’il faut de science-fiction, j’ai rien contre. Bien au contraire. Il y a toute une littérature sur le sujet, des témoignages assez fascinants de patients greffés qui adoptaient les mêmes habitudes de ceux dont ils ont reçu les organes. Ça partait plutôt bien. En tout cas, ça prenait son temps pour se mettre en place bien que l’intrigue globale fut plutôt courte. Disons que l’auteur prend le temps de détailler patiemment chaque étape pour mieux crédibiliser son œuvre ; ce qui fonctionne du reste. Toutefois, il rumine les mêmes idées fixes durant des chapitres entiers à cette seule fin, rendant bien assez tôt l’intrigue rébarbative.
Malheureusement, parce qu’on comprend très vite de quoi il est question à compter de cette histoire de greffe de cerveau, on se doute – au point de le savoir – que le cerveau du donneur va prendre le dessus et lui faire commettre tout un tas d’atrocités. On le sait qu’il va faire du mal à sa nana, qu’il va devenir un criminel et, qu’en bout de course, l’expérience sera considérée comme un échec afin de justifier qu’il n’y ait pas de greffe de cerveau par la suite. Mais en même temps… fallait s’en douter en prélevant la cervelle d’un criminel. Peut-être eut-ce été plus intéressant avec la cervelle de quelqu’un de plus lambda, ou d’une femme, même.
Le plus triste étant que la narration est plus ou moins irréprochable, mais le récit est si simple à deviner qu’elle n’opère aucun effet particulier sur nous. Avec un semblant de jugeote dans la tête, on se doute de tout ce qui s’apprête à advenir. Le problème ne vient pas de l’œuvre en elle-même dans son exécution – qui est très correcte – mais du concept de base. Bien que l’histoire parte d’une idée neuve et sympathique, ses conséquences seront envisagées par le lecteur avant même que leur cause ait fini de se présenter à nous.
Mais l’auteur feint de ne pas comprendre que ses lecteurs ont déjà tout compris… aussi tourne-t-il autour du pot excessivement longtemps pour décevoir à compter de l’instant où il se résigne à entrer dans le vif de la trame. Et comme je m’y attendais… tout ce qui était envisageable se sera produit sans vraiment laisser de place à l’imagination. Un véritable tiercé gagnant. C’est franchement frustrant.
Ça finit de manière trop grandiloquente pour ce que ça a à dire, avec un ultime acte de justicier puis, rideau sur une fin heureuse. Heureuse parce que les protagonistes restants ont un sourire mièvre sur la trogne pour nous indiquer que, finalement, malgré les déboires, y’a du bon à retirer.
Pour une fois, je me sens injuste de sanctionner un manga d’une note aussi faible. Il avait ce qu’il fallait dans la plume cet auteur-là… mais le scénario sera tombé comme une pierre dont on savait où elle atterrirait du fait que nous soyons avertis des lois de la gravité.