"Hérauts" raconte les pérégrinations de deux hérauts dont leur mission confiée par le Roi est décrite par Mayeul, peintre spécialisée dans les blasons :
L'armorial que nous réalisons a pour vocation de réunir dans un document unique toutes les armoiries de tous les individus, de toutes les familles et de toutes les villes que nous croisons sur notre route.
Au cours de la constitution d'une sorte de pokédex des armoiries, nos deux hérauts vont se muer en véritables héros pour enquêter sur la mystérieuse mort d'un chevalier qui périt au cours d'un tournoi, alors même qu'il était expérimenté et talentueux. Cette enquête policière, est plutôt efficace et fait un usage habile des connaissances héraldiques de nos enquêteurs. L'importance de cette enquête est nuancée dans ce premier tome, qui s'attache davantage à présenter les personnages et les fils rouges qui seront développés dans les tomes suivants.
L'un des personnages est un ancien moine, qui a quitté les ordres, le plus jeune est un orphelin abandonné par ses parents, qui veut les retrouver en n'ayant justement qu'un blason pour seul indice.
L'immersion dans l'époque dépeinte est la plus grande réussite de Héraults. En effet, les dialogues sont remarquables grâce à un usage parcimonieux du vieux français, permettant de nous plonger dans la France du Moyen-âge, et au passage d'un peu élargir notre vocabulaire, sans alourdir la lecture. Un exemple, où son usage est un peu plus caricatural que dans les autres dialogues :
Puterelle ! adonc, c'est icitte que tu te caches au lieu d'ouvrager à l'auberge
Continuez à faire bombance en m'attendant
Une vraie sucrerie. Je ne voudrais pas être ami avec le rabat-joie qui s'en plaindrait.
Cette immersion est bien sûr avant tout visuel : grâce aux objets d'époque en arrière-plan, aux vêtements et surtout grâce aux nombreux blasons (qui auraient pu être encore plus nombreux puisqu'on on sent une crainte de noyer les lecteurs sous les ceux-ci). Ils sont très élégamment décrits :
"De gueule [rouge] semé de croisettes d'or, à deux bars du même adossés"
De sinople (une sorte de vert clair) au demi-vol d'argent
Le style de dessein semi réaliste est certes assez convenu, et les visages n'expriment pas suffisamment les émotions recherchées, ces points sont cependant largement contrebalancés par une remarquable maîtrise des éclairages et des couleurs, permettant d'accentuer les effets dramatiques grâce aux contrastes. Félicitations à Jean-Paul Fernandez qui est en charge des couleurs.
Je ne peux que recommander cette BD pour toutes les personnes intéressées par le moyen-âge, le vieux français, les chevaliers et les armoiries d'époque. Pour tous les autres, je vous invite à faire preuve de curiosité, car Hérauts peut attiser un intérêt nouveau pour ces sujets à des personnes qui y sont habituellement indifférentes, ce qui fût mon cas jusque alors.