Peut-être ami lecteur as-tu déjà entendu parler de/vu en rayon le manga Green Blood (tu sais bien, la couverture avec ce charater design badass de héros de western) ? Peut-être même auras-tu connu Rainbow il y a quelques années ?
Alors il te faut découvrir sans plus attendre le sombre et captivant Hideout. Dessiné de main de maître et totalement immersif.
Il fait froid, il fait sombre, l'âme humaine a des profondeurs aussi noires que les entrailles d'une île maudite. N'attend pas de tripes qui se répandent ou de cervelles qui éclatent, n'attend pas de massacres à la tronçonneuse ou de maison qui parle. Juste laisse-toi aller dans l'ambiance qu'a posé l'auteur, cette pesante ambiance qu'il te dessine sans merci pour te faire ressentir la détresse d'un personnage qui vrille, la tension psychologique qui veut atteindre son paroxysme et qui se sert de la narration avec des flashback pour te retourner encore un peu plus.
La maestria du dessin contribuera à te happer dans cette histoire démente, Masasumi Kakizaki est vraiment un très grand dessinateur. Trop peu apprécié par chez nous.
Doublé d’un scénariste qui à qui on peut reconnaître cette qualité : immerger le lecteur dans l’ambiance qu’il a choisi de monter, et en général elle est pesante.
Ce qui est intéressant dans Hideout est sa gestion des flashback, qui à la fois nous permettent d’entrer réellement dans le parcours du personnage, à la fois de nous donner une illusion de soulagement de liberté, car nous sommes bel et bien pris en otages nous aussi dans cette caverne et les échappées sur le passé sont les seules occasions de revoir le soleil. Mais même la lumière au sens propre comme au sens figuré de ces flashback est une raison d’être oppressé.
Les personnages n'ont rien pour inspirer l'amour. Lui est lâche, elle, est garce. Le drame qui brise leur famille pénible. Les échanges verbaux sont durs, les situations anxiogènes. Le couple était mal assorti, la belle famille insupportable, ect… Autant de raisons de ne pas vraiment avoir envie de sortir, finalement. Comme lui à la fin.
Il a raison, c’est une bitch, elle a raison, c‘est un faible qui rejette la faute sur les autres. C’est plutôt marrant comme personne n’a vraiment tort et comme la déchéance de ce couple finira par nous oppresser tant que nous en souhaiterions presque une résolution brutale. Nous serons à ce titre plus que bien servis.
Kirishima a pour sortir de l'horreur ordinaire (qui aurait peut-être largement suffi) succombé à la tentation de donner un petit côté Stephen King à son histoire. Je pense à cet élément mine de rien occulte apportés par tous ces soldats massacrés sur l’île et les rumeurs de villageois. On dira que ça pousse les gens à faire des choses peu rationnelles. C’est un ingrédient de l’horreur plutôt efficace, quoique très convenu.
Au scénario on peut néanmoins reprocher d'autres faiblesses, notamment certains raccourcis faciles. A partit de là, je dévoile beaucoup de l'intrigue, vous voilà prévenus, vous qui éventuellement me lirez.
L’allusion du beau-père au fait que Seiichi avait grandi sans famille et qu’on ne pouvait pas lui faire confiance m’a passablement fait tiquer. Parce que mine de rien ça va déterminer tout. A la fin il a envie de recréer cette famille qu’il n’a jamais eu. Assez pour se retrouver psychopathe dans une cave en recréant une famille forcée ? Voilà qui est bien déterministe... Alors certes, tout orphelin qu’il fut il était surtout faible de caractère et se marier avec cette femme de bonne famille mal assortie à lui n’était déjà pas en soi une bonne idée. Certes, le drame survient car il a la loose et que le seul jour où il parvient à écrire à nouveau comme il faut paf son fils modèle se fiche par le balcon, c’est vraiment pas de bol Anatole. Par contre, un peu plus tard, la façon avec laquelle il en arrive à demander le divorce à son avide de beau-papa avec une machette à la main parce que dans la foulée il a décidé d’éliminer sa femme sur cette île, ahum, pas forcément crédible… Alors il n’a jamais eu le courage de rien, qu’il n’a jamais su dire merde, il passe à planificateur de crimes puis au hasard d’une caverne à super psychopathe. On peut considérer cette spirale un peu rapide, même si les ellipse ont une durée indéterminée.
Mais bon, c’est l’horreur en deux tomes, donc faut-il se formaliser plus que cela ? Le bilan est somme toute très positif, car avec Hideout, Masasumi Kakizaki nous a signé un seinen plutôt bien pensé et surtout magistralement dessiné, jusque dans les moindres détails.