Entretien avec mille et un vampires

Ayant jusqu'à présent été critique exclusif du cinéma qui est ma passion première (si j'omets un billet sur un jeu vidéo), Higanjima est ma toute première incursion dans le registre de la critique littéraire amateur à qui je me suis dit qu'un petit avis de ma part sur le site ne serait pas de trop. Ah Higanjima ! De sacrés souvenirs cette série dont j'appris l'existence par le biais d'une encyclopédie du manga. Hélas étant difficile à trouver dans le commerce, il fallait pour cela aller dans les librairies spécialisées pour espérer dégoter un exemplaire ou l'autre. Ce n'est pas la première ni la dernière victime et ce constat s'est d'autant plus aggravé avec une place toujours plus restreinte du seinen au profit des shonen et shojo ayant un nombre de purges impressionnants à leur actif, un peu à l'instar du film d'horreur finalement.


Ceci explique sans doute pourquoi je n'ai pas été plus loin que les 5 premiers tomes et que la suite ne put se faire que par scan, faute de support physique introuvable et abordable. N'en déplaise aux puristes, il n'est pas né le jour où je mettrai 100 balles dans un tome qui en valait à 8 à la base. Mais avec le recul, je me rends compte que j'ai bien fait de ne pas aller plus loin dans mes achats, déjà car il n'y a pas de fin et cela dû à un manque flagrant de succès chez nous. Bon après, on connaît le système. Il y a des gens qui s'intéressent à quelque chose à partir du moment où celle-ci est rare. Et surtout, c'est la tournure du manga qui a fini par ne plus me convaincre.


Higanjima c'est une histoire de vampires mais loin du traditionnalisme et autres mécaniques usitées. La trame est ambitieuse et le contexte de l'île est riche. On sent que Koji Matsumoto a travaillé son univers et c'est un très bon point, de même que les dessins souvent mis au pilori alors qu'ils sont plus que jolis. C'était un autre temps où la patte d'auteur était plus visible et où le ridicule conformisme et standards débiles ne viennent parasiter un système encore épargné par l'intrusion capitaliste trop importante.


Ce que j'ai à reprocher à Higanjima est finalement assez simple, ce ne sont ni plus ni moins que les choix douteux s'accumulant toujours plus au fur et à mesure de l'avancée de notre groupe d'amis. Alors que les 5 premiers tomes évoluaient dans du survival pur avec cette sensation de danger qui ne disparaissait jamais, les choses se gâtent dès le tome 6. Koji Matsumoto a eu l'idée saugrenue de "shonen-iser" son manga et donc forcément de le niveler vers le bas. Lentement mais sûrement, la lecture brillante de jadis laissait place à un Bleach plus sombre, sanglant et érotique. La tension diminue devant la quasi invincibilité de Aki qui est très vite vu comme le gars sur qui repose tous les espoirs de l'île et ce même par son maître. Il est déifié, constamment acclamé et encensé pour ses talents de combattant. C'est chiant, c'est lourd de lire à répétition "Qu'est-ce qu'il est fort Aki !". Les vampires se font trucider par dizaines et leur apparition finit par devenir sommaire et peu palpitante. Les seuls moments un tant soit peu "insecure" viendront des monstres dont certains en imposent. On citera la Princesse qui en est l'exemple le plus marquant.


Qui plus est, ce qui devait être une petite île à la base se transforme presque en pays vu le nombre de km2 de forêts, de villages, de bunkers et d'abbayes sans oublier les effectifs infinis de la Résistance et des vampires avec comme chef le redoutable et immortel Miyabi qui dirige cette île d'une main de fer. Le combat final entre lui et Aki valant son pesant d'or dans l'esprit shonen bidon (pléonasme me direz-vous mais quelques très bons exemples viennent contraster avec le ridicule ambiant du genre). Malgré tout, Higanjima n'en demeure pas loin une lecture intéressante ne fut-ce que par sa richesse et si de nombreuses et gigantesques facilités et ficelles indignes d'un manga d'une telle ampleur viennent parasiter, on se surprend à vouloir continuer la storyline.


A la conclusion, le constat n'en est que plus amer et cet échec commercial n'est finalement pas surprenant. Higanjima reste un manga bâtard trop puéril pour les adultes et trop violent pour les plus jeunes. Et se situer entre les deux est très très compliqué. Je n'en connais pour ainsi dire pas d'autres exemples et c'est peut-être bien une bonne chose. Quant à la suite, je suis assez étonné de réaliser que ne pas l'avoir ne me dérange pas plus que ça. Higanjima un manga qui se lit bien mais dont il ne faudra rien en attendre de plus. Une série B quoi.

MisterLynch
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le 22 nov. 2022

Critique lue 37 fois

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