Un problème de format ?

Sorti en 2022 et ayant connu un regain de ventes suscité par les événements postérieurs au 7 octobre 2023, L'Histoire de Jérusalem de l'historien Vincent Lemire et du dessinateur Christophe Gaultier est un succès de librairie indéniable. Avant même d'ouvrir la première page de cette imposante bande dessinée (j’ai du mal à parler de roman graphique pour cet ouvrage), j’avoue avoir été plutôt enthousiaste à l’idée de la lire, motivé par le passage de Lemire dans l’émission de Xavier Mauduit sur France Culture, et par un recensement critique de mémoire plutôt très positif.

Hélas, il ne faut pas se voiler la face (même si cela fait mal de le reconnaître tant le sujet est passionnant) : cette bande dessinée est presque un ratage. Un terme fort à employer ici, car le travail de Vincent Lemire et de Christophe Gaultier a été titanesque, et il y a une belle intention de vulgariser une histoire incroyablement dense et complexe. Peut-être trop pour un format de bande dessinée ?

Beaucoup de proches ont acheté l'ouvrage, et tous (ou presque) ont abandonné la lecture au bout des 50 à 100 premières pages. Motifs : trop de précisions, trop de détails, parfois trop pesant, et aucun souffle pour emporter le lecteur à travers les 4000 ans d’histoire de la ville. À vrai dire, je pense qu’il s’agit tout simplement d’un problème de format. La bande dessinée n'était peut-être pas adaptée à ce que voulait faire Vincent Lemire. Je rejoins d’ailleurs une critique précédemment écrite sur Sens Critique. On constate bien que ce mouvement de vulgarisation, qui s’est emparé aussi bien de YouTube que de la BD, a ses limites. Le sujet en question est trop dense, lourd, complexe, trop long pour être adapté dans une bande dessinée qui se contente de mettre en images des extraits de sources primaires. Il n’y a ni humour (souvent indispensable dans ce type d’exercice), ni personnage auquel on puisse s’attacher ; les informations s’enchaînent comme une liste de dates et de faits dont on se demande s’ils laisseront une trace dans notre mémoire. C’est comme si la forme choisie nuisait à la vulgarisation elle-même.

Malgré son succès et les bonnes critiques, méritées à bien des égards (travail titanesque, dernier chapitre passionnant), L'Histoire de Jérusalem n'est pas la réussite que beaucoup, dont moi, avaient espérée.