Combien de fois nous, fans d’histoires fantastiques, n’avons-nous pas, devant un film, une série ou en lisant un roman, l’impression d’avoir déjà tout vu, tout lu, dans le genre. Ou peut-être aussi que les cauchemars inventés par des Poe, Lovecraft, Stoker, Shelley ou, plus près de notre époque, King étaient indépassables. Et que nous étions désormais, comme pour pas mal d’autres choses, dans une époque de recyclage, de ressassement mal dissimulé par un faux modernisme ou pire, par des excès technologiques… La solution à cette usure est pourtant simple, et est à portée de notre main : aller explorer d’autres cultures, aller voir ailleurs ce qui horrifie, ce qui terrifie, ce qui surprend, ce qui déstabilise...
Une longue introduction pour présenter Junji Itō, illustre mangaka et géant japonais du fantastique, dont la lecture des œuvres constituera un véritable électrochoc en matière d’horreur. Et quelle meilleure entrée en matière pour qui ne connaît pas encore ce “génie” (oui, allons-y avec les grands, les gros mots !) que ce bel ouvrage – agrémenté de nombreuses pages en couleurs et d’une galerie de dessins inédits du maître – regroupant ses “histoires courtes” ?
A partir de textes originaux du célèbre auteur japonais Edogawa Ranpo (la Chaise Humaine et Un Amour Inhumain) et de Robert Hichens (Le professeur Kirida possédé), mais surtout des scénarios personnels, voici 10 récits bouleversants, qui mêlent avec une perfection qui semble désormais oubliée en Occident concepts abominables et sentiments humains essentiels. Car ces histoires affreuses – dont nous ne dévoilerons absolument rien ici, pour laisser le plaisir du choc de leur découverte au lecteur – nous parlent avant tout de solitude, d’amour fou, de piété familiale, d’ambitions professionnelles ou artistiques. De toutes ces choses qui constituent encore l’essence de nos existences humaines. Et c’est au-delà de la force traumatisante de certaines images – que certains trouveront insoutenables, soyez prévenus ! -, ce qui rend la lecture de ces Histoires Courtes aussi marquante : elles questionnent profondément le sens même de notre existence.
On n’a pas encore parlé ici de la perfection du travail graphique purement classique de Itō, mais l’absolue lisibilité de chacune de ses images, la fluidité de sa narration et, avouons-le aussi sans honte, la beauté physique de ses personnages, masculins comme féminins, sont évidemment essentiels à la réussite de ces récits.
Sans aucun doute, une œuvre majeure du 9ème Art.
[Critique écrite en 2023]
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