Honnêtement, ce tome commence vraiment très bien. J'avais envie de lire du Hulk hyper classique et c'est que le premier numéro donne : Banner débarque dans une petite ville au cœur des états-unis incognito, se trouve une piaule pour la nuit et à son réveil, il se rend compte que le Hulk a tout ravagé durant la nuit. On le voit ensuite s'acharner à aider aux réparations des dégâts durant toute la journée, et essayer de s'intégrer à la vie de la petite ville même si la menace du Hulk qui peut surgir à tout moment reste présente, et ça finit par arriver, avec des scènes de destructions hyper impressionnantes dans une mise en scène qui l'est tout autant, le tout magnifiquement dessiné par Ron Garney.
C'est hyper simple, mais les ambiances sont super biens posées, y a un côté vraiment humain et touchant, voir Banner redoubler d'efforts pour reconstruire ce que son alter-ego a détruit est assez chouette, et les séquences de Hulk sont formidables de sauvagerie. Et c'est comme ça sur les trois-quatre premiers épisodes, avec notamment une séquence d'attaque d'avion vraiment incroyable et très forte, particulièrement dans sa dimension tragique, et puis ça part en couille. Alors qu'on était sur une narration assez moderne, refaisant du Hulk classique pour un nouveau public, en prenant son temps, Byrne se met soudain à ramener un super-vilain tout pourri, Tyrannus, prince du monde sous-terrain, et des histoires tarabiscotées de machines trouvées au hasard permettant de contrôler le Hulk à distance ou de transférer les pouvoirs du Hulk dans un autre corps. Alors oui, Tyrannus est un des premiers vilains du héros et ces histoires de changements de fonctionnement du Hulk font penser aux tous premiers épisodes de la série solo de Bruce Banner, mais ça ramène une loufoquerie silver-age qui tranche beaucoup trop radicalement avec le ton quasiment terre à terre développé jusque là.
Et ensuite ça va aller de pire en pire quand on s'embarque dans cette intrigue merdique dans les marées de Floride, avec un Man-Thing en guest qui ne sert à rien, une résurrection factice de Betty Ross totalement gratuite et injustifiée et un méchant au charisme d'huître. On reste coincé dans ses espèces de remix de récits silver-age sans aucune ambition de faire une grande histoire, où ça passe du coq à l'âne en prenant à peine le temps de terminer les intrigues et puis soudain Wolverine saute d'un avion pour combattre Hulk, complètement gratuitement, et John Byrne se casse alors du scénario, sans avoir terminé tous ses fils narratifs.
Byrne est un auteur qui à l'habitude de se fâcher avec sa hiérarchie et nulle doute que c'est encore une querelle quelconque avec le management changeant de Marvel à l'époque qui l'a fait partir. Mais du coup, la série devient alors une énorme interrogation sur comment les scénaristes de dépannage vont essayer de se dépêtrer de tout ça. On a Larsen qui débarque pour le combat sur Wolverine et qui nous offre une prestation assez pitoyable. Y a peut-être une ou deux idée, mais niveau sauvetage de l'intrigue il ne propose qu'une justification nulle à la présence de Wolverine et trouve judicieux de lancer le temps d'une page une nouvelle menace qui sera soigneusement ignorée par le scénariste suivant, qui est Jerry Ordway et qui va étonnement bien s'en sortir pour boucler le run. Alors oui, il va laisser malheureusement quelques éléments de côté, mais il offre quand même une belle conclusion à toute l'intrigue face à Tyrannus en ayant pas mal de bonnes idées et des concepts assez amusants. Et on a le droit à des guests sympathiques comme la Chose, Doc Samsom ou She-Hulk. Au final ce n'est pas l'histoire de l'année, mais vu dans quoi on s'était embourbé, Ordway s'en sort vraiment pas mal.
Aux dessins, on a Ron Garney tout du long quasiment, sauf un épisode rempli de guests qui ne sert pas à grand chose, et un autre dessiné par Ron Frenz plutôt correctement. Ron Garney fait vraiment un très bon boulot. Son style est ancré dans l'époque, mais j'adore son Hulk massif et puissant, et il arrive à donner le coté cinématographique et impressionnant qu'il faut aux scènes d'action, surtout dans les premiers numéros. Et il s'en sort pas trop mal sur les scènes en civil. Il reste cependant inégal, et sur ses derniers numéros on sent que c'est moins soigné. Et globalement il n'est pas toujours aidé par la colorisation de l'époque, où les ambiances colorées sont rares.
A noter qu'on a aussi un annual qui propose une réactualisation de l'origin story de Hulk par Byrne et le très bon Lee Weeks. L'idée du scénariste est de garder l'essence du récit de Kirby et Lee mais d'enlever les références à la guerre froide pour mettre ça à une époque plus proche de la notre. Il change également plusieurs détails qui devait le gêner et y met un lien avec son autre série de l'époque : Marvel the Lost Generation (une série que Marvel a décidé de complètement oublier, ne l'ayant jamais éditée en album relié). La plus grande particularité de cette nouvelle origin story est de ramener les skrulls dans l'affaire, un point qui sera soigneusement ignoré par tout le monde depuis. Il faut dire que chez Marvel, les remakes d'histoires anciennes et d'origin story prennent très rarement, à part dans le cas de "The Man Without Fear" de Daredevil.
Au final, j'avais vraiment envie d'aimer ce tome au début, qui m'offrait vraiment les histoires de Hulk que j'avais envie de lire, mais au final c'est une déception, vu que par la suite ça devient un peu moyen, avec un scénario qui retombe sur ses pattes de manière un peu trop laborieuse. Toutefois, y a un classicisme qui fait de cet ouvrage un bon moyen de découvrir le héros, là où d'autres runs de Hulk préfèrent partir pour un temps dans des directions très loin du statut quo originel du personnage (ce qui peut toutefois donner d'excellentes choses comme Planet Hulk).