André Franquin est le plus grand dessinateur de BD franco-belge qui ait existé!
On a beau lui répéter, André trouve ça bien gentil mais surtout que c'est n'importe quoi, et qu'il fait quand même que des petits mickey, il faut pas déconner!
Est-il nécessaire d'ajouter qu'André est un peu dépressif?
Mais puisqu'il ne sait que faire marrer les gens (même quand il dessine des monstres, ce qui le déprime encore un peu plus), André se dit qu'il pourrait faire un album marrant avec que des horreurs; qu'il pourrait dessiner un peu ce qu'il pense des joyeux drilles qui l'entoure; qu'il pourrait en mettre plein la tronche à tous ceux qui le font déprimer encore plus, les salauds! Comme si il avait besoin de ça !
Est-il nécessaire de préciser qu'André est très énervé?
Donc Franquin commence ses idées noires et fait sans doute deux des albums les plus corrosifs les plus désespérés, les plus noirs et les plus drôles qu'on ait commis.
André veut pas de couleurs. Il va utiliser que du noir tiens! C'est bien ça le noir. Ça rempli et ça termine. C'est parfait. C'est le peu de blanc, le peu de lumière qui restera qui créera l'image. C'est poétique, et Franquin il aime bien ça quand c'est poétique.
Les gags sortent toutes les semaines dans le trombone illustré (un supplément du journal de Spirou), jusqu'à ce que ça s'arrête. Son pote Gotlib lui propose de continuer dans fluide glacial. Le reste appartient à l'histoire et à Wikipedia.
La première fois où on lit les idées noires, on ne peut être que choqué par cet enchaînement de gags d'une violence absolue sur des sujets toujours variés et fustigeants la bêtise de l'humanité. Franquin tape là où ça fait mal, se montre sadique parfois, se lâche complètement, et fait montre d'un cynisme très poussé, tout en restant toujours très drôle.
Je crois que ce que Franquin nous raconte dans ses idées noires, c'est que tout cela est absurde, n'a aucune forme de sens, que nous sommes d'indécrottables imbéciles et que tout ça finira un jour ou l'autre assez mal pour nous: lorsque l'encre aura entièrement couvert la page de noir. Il y a une seule chose que nous pouvons faire, c'est en rire. En rire à gorge déployée et faire un ultime pied de nez à l'obscurité qui vient.
Alors, je me marre...
*Je me rend compte que ma critique est bien superflue face à cette simple phrase détournée par Gotlib d'une citation de Sacha Guitry en rapport avec Mozart: "«Lorsqu'après avoir lu une page d'Idées noires de Franquin, on ferme les yeux, l'obscurité qui suit est encore de Franquin.»