De l'inconvénient d'être né... en BD. Ecrite par des Gremlins? Prequel de Black Mirror!

"RATATATATATA"

"Aïe?! Encore des victimes !? Et malgré le masque officiel recommandé par les autorités!!!" ( bande dessinée en noir et blanc d'André Franquin créée en ...1977).

Je les avais lues enfant et ado , sans doute sans tout comprendre.

Quel plaisir de ne pas être déçu par une lecture d'adulte! ...où je découvre, atterré, que je n'en comprends toujours pas une ou deux et ris encore aux éclats à deux ou trois autres.

Mes versions dans le passé étaient en format A5 horizontal il me semble, large comme le double d'un carnet de chèques...Je les ai cette fois lues en énorme format, plus grand que du A4 (je n'y connais rien donc ne connais pas les bon mots).

J'ai préféré mon format d'enfance car on ne voyait pas du tout du coin de l'oeil l'histoire suivante arriver.

Même si mon édition a des yeux en relief sur la couverture, plutôt flippants et bien faits.

Elle a gardé en couverture sa sorte de triste et menaçant Jean Lefebvre dépressif et inquiétant: la bouche pincée de Van Gogh, l'oeil droit morne et triste, tandis que son oeil gauche est grand ouvert et nous fixe façon rouge-gorge nous ayant repéré.

Il tire littéralement la tronche, attirée vers la bas par son nez démesuré, quasi obscène, en quart de Brie ranci, De l'inconvénient d'être nez...soutenant de grosses lunettes à la Jeffrey Dahmer ou

Francis Heaulme, le tueur d'enfants ( à l'époque défendu par l'avocate actuelle du Hamas).

De sa veste trop courte, sortent deux maigres bras à format d'allumettes, dont les deux mains tiennent et pressent fermement (pouce gonflé) le pilon d'un mortier de pharmacie XXL en porcelaine très vintage: ses décorations épanouies dénotent du lettrage du mot 'NOIR'.

Une suie noire s'en échappe et enfume les trois-quart de la page.

Me rappelant des conseils de conduite à tenir en cas d'incendie: "couchez vous au sol en attendant les secours, vous respirerez mieux car les fumées montent."

...ça change des tutos préparation de matcha aussi en mortier.

Dans mon édition, le titre sous le beau nom de 'Franquin' et au dessus de la mention "L'intégrale complète", est encore composé de lettres vivantes qui me font désormais penser à un mélange des boules de suie noires de chez Ghibli/Miyazaki, les noiraudes ou susuwatari,

qui auraient été mouillées et donc devenues des sortes de Gremlins poilues, notamment dans la scène du bar ...comme si des Furby étaient devenus psychotiques et alcooliques: une des lettres tient et tire aussi au révolver, l'autre a ses gros yeux injectés de sang et le dernier S semble même avoir une sorte de poire de lavement enfoncée!

Deux mini oiseaux perchés font la gueule: un abasourdi et l'autre en colère (Angry le Bird...).

Bref, une des meilleures couvertures de BDs.

Le contenu, dont tout a sans doute déjà été dit, est juste tellement visionnaire, et même devenu désormais parfois à peine caricaturale. Le filigrane est (à juste titre) écolo, anti-fourrure, humaniste, laïcard et aussi syndicaliste, mais aussi (très) antispéciste, pacifiste, contre la peine de mort et contre l'hygiénisme:

___J'ai particulièrement aimé l'idée de l'éviteur fiscal tué par le manque d'ambulances et de moyens des hôpitaux. Rejoignant celle plus tard du coupeur de coûts, victime en avion de sa passion des économies de bouts(-lons) de chandelle.

___J'ai éclaté de rire au chasseur nain qu'un mal de dent plie de douleur et le transforme en lapin ...de loin.

___J'ai jubilé à la blague cruelle envers un enfant ayant effrayé des baigneurs (de nos jours, les vannes autour d'enfants ne sont plus acceptées sans qu'une ministre ne crie au feu de cheminée).

___Une autre blague, cruelle envers un enfant sauvé d'une autre fessée par un brouillard dont il tente d'avertir son père (sorte de Bertrand Cantat mais qui serait ici puni), me rappelle la fin et créatures de The Mist ( de Stephen King).

___Ayant été attaqué par des mouettes, je ne trouve soudain pas si drôle le sort d'un pauvre hère, recyclé et composté en bord de mer par une nuée de VOLATILE MARINS le dévorant.

Après les pigeons, rats volants; Franquin inventaient les mouettes, zombies volants.

___Moi qui ne suis pas trop fan des antimilitaristes, surtout en ce moment, j'ai quand même bien souri aux expositions militaires qui tournent très mal.

Ce qui me rappelle au passage que si les pays européens ont consacré plus de 200 milliards en achats d'armes pour eux cette année, ils ne trouvent pour Frontex et la protection de nos frontières, que 900 millions par an de budget...bande de sacs à vin débiles!

___Enfant, mon ultime favorite était celle avec le passionné de bonsaï.

Mais adulte, je comprends mieux que ses enfants ont subi des tortures à la Saw et Hostel: enfermés dans des cages trop petites pour ne pas grandir (un roi Français le faisait à ses ennemis), des enfants ont été découpés, pincés, pliés, tordus, ligotés, déformés, crochetés façon Hellraiser, greffés...attention, si un Ministre de la Culture s'intéresse un jour à la BD, Franquin risque de perdre sa Légion d'Honneur.

___J'avais complétement oublié le con de mime.

___L'idée géniale du pendu en voiture noyé, me rappelle une histoire vraie de Bohumil Hrabal d'un suicidaire dont le chauffeur de taxi soupçonne son dessein alors décide de le suivre dans la forêt où son client s'est enfoncé avec son gros sac...le chauffeur n'a pas encore rattrapé le client qu'il entend un grand cri...le trouve évanoui au sol, ayant bien une corde pour se pendre en main...mais le taxi lève les yeux et découvre les raisons du cri et évanouissement du suicidaire, l'arbre était déjà plein de pendus. Belle idée d'Idées Noires...

___Je découvre que le gag que j'aime tant à la fin du générique de Men in Black de Barry Sonnenfeld où notre planète est un cochonnet de jeu de pétanque, était déjà chez mon Franquin.

___Vu le charnier encore actuel, je trouve très très touchant la colère qu'il me semble percevoir de Franquin contre les accidents de travail et la négligence managériale.

Même si la dénonciation des conditions de travail des ouvriers aux marteaux-piqueurs m'a quand même fait éclater de rire...il se méprend et fait un burn-out quand un pauvre pic vert a le (vic)tort de lui rappeler le travail et de creuser une galerie avec son bec devant lui et son pauvre neveu, dont le tuto oiseau se transforme en hilarant bain de sang: "RATATATATATATA"

___C'est pas la plus drôle mais l'idée autour de "l'info-anxiété" est très très actuelle: elle mène son souffrant à creuser un bunker pour éviter la guerre et à finalement tomber sur des restes de la précédente...une bombe.

___ J'avais oublié les deux pages démentes sur la prison à perpétuité avec évasion perpétuelle...une scène quasi quantique m'expliquant pourquoi j'aime tant les épisodes de 'La chasse' et 'Noël Blanc' dans Black Mirror.

___Les deux que je n'ai pas encore bien comprises sont les boxeurs et le globe-trotteur de planètes ("pas d'idée noire cette fois")

___c'est tout noir et pourtant plein de détails et expressions faciales hilarantes sont visibles (ayant été sous-fifre en entreprise, je me suis reconnu dans la panique et tête défaite de l'un d'eux, quand son patron se fait empaler par la chaise si moderne qui est soudain devenue punaise géante...clic-clac ça fait plus mal que de marcher dessus).

Quand je pense que je trouvais violente la mini goutte d'acide qui tombait sur le crane de De Mesmaeker dans un des Gaston Lagaffe (je ne sais plus lequel; mais chaque fois, je pensais que cette goutte d'acide le traversait façon sang d'Alien...). Mais c'était rien, ici, De Mesmaeker se fait empaler, déchiqueter, empoisonner, contaminer etc.

___ cette relecture m'explique aussi un peu pourquoi j'aime tant dans les films des scènes en ombres chinoises? ==> https://www.senscritique.com/liste/scene_a_l_horizon_en_ombres_chinoises_je_ne_sais_pas_comment/3432881