ça va
franchement c’était bien, un peu dark et tout
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le 13 avr. 2023
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Dès les premières pages, le malaise s’installe. Le quotidien glauque du double cauchemardé d’Isis, l’écrivaine qui a réussi, saisit le lecteur avec une note de dégoût. Ce double, c’est Osiris, modeste employée de supermarché, qui se réveille aux côtés de son mari éthylique, qu’elle ne supporte plus et qui vient de souiller le lit conjugal de ses excréments. Le quotidien d’Osiris va ainsi s’immiscer subrepticement dans la vie feutrée et voluptueuse d’Isis. L’enfer de l’une contaminant le paradis de l’autre. Peu à peu, Isis va perdre pied sous les coups de boutoir de sa jumelle ratée, création de ses rêves noirs qui surviennent chaque nuit depuis quelques temps.
Ce n’est pourtant qu’un rêve, mais ce rêve semble si réel, si perturbant de réalisme, qu’il va bousculer et atteindre Isis psychologiquement, provoquant chez elle une totale remise en question, alors même que son roman vient d’obtenir le prix Renaudot. Le lecteur, lui aussi, se laissera prendre au jeu de cette histoire au pitch original, où les univers de deux femmes de condition sociale très éloignée, l’une réelle, l’autre fictive, vont s’entrechoquer, avec une incursion discrète du fantastique mâtiné de considérations philosophico-scientifiques sur les dimensions parallèles.
Pour ce drame intimiste, la scénariste Anne-Laure Reboul utilise des clichés sociologiques pour mieux bâtir un récit en forme de parabole d’une France divisée. D’un côté la France périphérique des invisibles, celle des Leclerc et autres Carrefour défigurant uniformément les abords du moindre bourg provincial, cette France paupérisée et « réfractaire ». De l’autre, la France aisée, snob et égocentrique qui pète dans la soie et s’épanouit dans les cocktails mondains de la capitale. En quelque sorte, cette histoire raconte la France des Gilets jaunes bousculant les états d’âme de la France des « bobos », la France « d’en bas » saccageant les nuits de la France « d’en haut », ce qui n’arrive jamais dans la réalité.
S’il n’est pas question de faire de « Iris, deux fois » un plaidoyer politique pour l’égalité des chances, la narration est plutôt captivante et plutôt bien menée malgré quelques longueurs, mais c’est peut-être surtout la conclusion qui déçoit, laissant le lecteur dans une sorte de flou un peu frustrant qui vient déséquilibrer ce bel échafaudage. On attendait peut-être quelque chose de plus marquant, de plus radical, comme aurait pu le suggérer l’introduction en particulier.
Le dessin est assuré par Naomi Reboul, la sœur. Si le trait est un peu sommaire, on appréciera le travail sur le cadrage et les postures très réalistes des personnages, ainsi que l’aquarelle qui renforce agréablement l’atmosphère intimiste du récit.
En résumé, « Iris, deux fois » est une mise en abyme plutôt plaisante, un récit-miroir qui nous interroge sur la possibilité d’un double de nous-mêmes, « winner » ou « loser » selon les cas, une histoire de gémellité et de connexions mystérieuses, conçue par deux frangines très ressemblantes. A défaut d’une fin tout à fait satisfaisante, l’ouvrage fascine et donne à réfléchir, accréditant l’idée que depuis toujours, c’est l’écriture qui sauve les âmes des tourments liés à la condition humaine.
Créée
le 19 juil. 2021
Critique lue 160 fois
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