Ca y est, septembre est à la porte, ça sent la rentrée. Et au milieu de la morosité des reprises et des jours qui raccourcissent, il n'y a qu'une chose qui puisse mettre un peu de baume au coeur à tout lecteur qui se respecte : qui dit rentrée, dit rentrée littéraire ! Après des mois d'été plus calmes où on ne savait pas trop quoi se mettre sous la pupille quitte à relire Tintin (si si), l'automne débarque, le libraire met un coup de cutter bien placé dans les cartons fraîchement arrivés des maisons d'éditions, ça sent le livre neuf que personne n'a encore ouvert, celui qu'on attend depuis longtemps ou celui qu'on découvre par hasard au rayon des nouveautés. Dans cette dernière catégorie, j'ouvre les hostilités coup de coeur avec "Iroquois" de Patrick Prugne.
L'histoire se déroule à l'été 1609 en Nouvelle France, alors que le Québec n'en est qu'à ses balbutiements en tant que colonie d'Henri IV. Samuel de Champlain, fondateur oeuvrant au nom de sa Majesté a pour but de promouvoir la Nouvelle France en en faisant une place économique où les français encore peu nombreux peuvent prospérer au milieu des différentes nations amérindiennes. Malheureusement, les colons se retrouvent au centre d'un conflit entre les Hurons, les Algonquins et les Iroquois. Samuel de Champlain prend parti et soutien les Hurons dans un raid en Iroquoisie avec pour but de renforcer une alliance préexistante avec une majorité d'autochtones. Malheureusement, ce conflit sera à l'origine de conflits bien plus importants qui marqueront l'Histoire du Québec.
Inspirée d'une réalité historique, cette bande dessinée arrive à restituer une atmosphère entièrement crédible et documentée. Je ne m'étends pas forcément plus sur le sujet parce que je ne suis pas une spécialiste du thème, mais on sent que l'auteur est plein de bonnes intentions. Le dessin est riche de détails et quelques appellations indiennes sont accompagnées d'astérisques en bas de page. Inutile de juger du scénario sur ce genre d'album, c'est purement descriptif, légèrement romancé (c'est pour notre bien). Il y a assez peu de texte, les dialogues font avancer le récit en laissant pour autant le lecteur seul avec le dessin sur des planches entières parfois. Ce qui n'est absolument pas un problème puisque c'est l'énorme point fort de l'album : le dessin et les aquarelles. Vous allez passer plus de temps à vous émerveiller devant des cases qu'à lire l'histoire en elle-même. Chaque page est digne d'une toile de maître, et même sans acheter l'album, que vous soyez amateur de bande dessinée ou non, je vous encourage à faire un petit détour pour feuilleter ce livre en librairie quand vous aurez cinq minutes à tuer. Vous allez tomber dans la forêt canadienne de l'époque, trouver une faune et une flore paradisiaque et vouloir y rester. C'est un dessin qui vous donne des envies d'ailleurs. Les couleurs sont bien choisies et donnent le ton à l'intégralité d'une page ou double page, donc c'est beau vu de près mais aussi vu de loin. Souvent orientées vers cinquante nuances de vert, vous pourrez aussi trouver le ciel dégradé d'un coucher de soleil, le bleu du fleuve à toutes les heures du jour et de la nuit...il ressort de tout ça une belle bouffée d'oxygène. C'est à ça que se résume cet album : un grand bol d'air frais venu tout droit des paysages sauvages canadiens. En lecture plus contemporaine, cela peut aussi nous renvoyer à cette nature bien souvent massacrée tout comme certaines cultures locales, et à des conflits qui, rappelons le, sont encore d'actualité dans certaines régions d'Amérique du Nord. Difficile de sortir de cette lecture sans entendre un message écologique et humaniste, une véritable déclaration d'amour muette à ces territoires colonisés pour leurs richesses matérielles alors même qu'il y avait tellement d'autres richesses inexploitées. Et pour celle de la contemplation en premier lieu, grâce à Patrick Prugne, on se rattrape un peu.