Après le western avec Blueberry, je passe en mode BD historique qui est mon second genre préféré en BD, principalement la BD médiévale. Ce diptyque sent un peu le souffre car il explore l'aspect politique dans une période troublée de l'Histoire de France.
Pour avoir été bercé très jeune par le feuilleton les Rois maudits (la version de 1972, la seule, l'unique, pas ce fade et incolore remake de 2005), et la lecture du roman de Maurice Druon dont il est l'adaptation, j'ai sans doute approfondi ma passion du Moyen Age, et surtout ses turpitudes politiques et sentimentales souvent sanglantes, spécialement celles de ces XIIIème et XIVème siècles, avec le règne du "roi de fer" Philippe IV le Bel, les déboires territoriaux de Robert d'Artois avec sa catin de tante Mahaut, le scandale des brus du roi connu sous l'affaire de la Tour de Nesle, le règne du chétif Louis X le Hutin qui a succédé à Philippe, et les débuts directs de la guerre de Cent Ans.
Dans tout ceci, se débat Isabelle qui fait son trou à force d'intrigues de palais et de poigne de fer, en dépit de son statut passif à la cour d'Angleterre où son époux la traite comme un chien ; elle jouera d'ailleurs un rôle bien plus ferme et digne d'un homme, que celui de son piètre époux Edouard II, roi homosexuel qui ne pense qu'à fôlatrer avec ses favoris, et bien moins capable que ne l'avait été son père Edouard Ier ; il ne fera qu'affaiblir le pays, d'où le fait qu'Isabelle en prendra le contrôle plus tard. Savourant sa vengeance envers tous ceux qui l'ont humiliée (notamment Marguerite de Bourgogne), elle restera toujours forte avec un caractère hérité de son père Philippe le Bel.
Je ne pouvais donc que m'émerveiller à la lecture de ce tome qui reprend la trame classique développée par les Rois maudits. Les événements sont riches, il y a une densité d'informations et matière à traiter une histoire passionnante qui malgré de nombreux dialogues et sa complexité politique reste accessible à un public pas forcément familier de cette période historique ; les scénaristes savent rendre cette histoire compréhensible et captivante, c'est l'essentiel dans un premier temps.
Et quand le dessin est à la hauteur de l'intrigue, que demander de plus ? Calderon fait preuve d'une grande maîtrise graphique, son dessin est somptueux, décors et costumes sont fidèles, malgré quelques raccourcis narratifs et une vision soft du supplice des frères d'Aunay ; dans une BD plus mordante, il aurait sans doute été beaucoup plus cru, car ce supplice fut dans la réalité d'une atrocité sans nom ; ici le public visé est large, il fallait faire moins violent. De même que le portrait du roi Edouard II est ici plus viril et bien trop flatteur, c'est le seul reproche que je peux faire au scénariste. Mis à part ces petit griefs, cet album est à lire absolument pour qui s'intéresse au Moyen Age.