Une BD bien efficace. Je me souviens quand je l'ai achetée à Pêle-Mêle (celui d'Ixelles). Je n'étais plus revenu sur la Capitale depuis quelques mois et j'ai vraiment ressenti le besoin de faire la tournée de mes magasins de seconde main préférés. Ce qu'il y a de bien avec ce Pêle-Mêle, c'est qu'il y a des canapés à l'étage : l'idéal pour lire un peu avant de reprendre la route ou de faire une pause durant sa journée (pour moi qui venait de traverser une partie de Saint-Gilles et Ixelles à pieds, c'était l'idéal).


Mes livres et BD sur les genoux, je me laisse aller à un petit auto-massage du front, des temps, des paupières. C'est un endroit calme et ce silence, j'en avais besoin : je n'avais alors plus que le son de quelques pas aux alentours ou celui des pages que des lecteurs assidus tournent discrètement. Lorsque j'ouvre enfin mes yeux, une femme à côté de moi, que j'avais déjà surprise à lorgner plusieurs fois mes bouquins, me parle de "J'étais un sale phallocrate" et de Wolinski. Elle explique qu'elle aime bien ce genre de BD-là, que ça la fait bien rire. Elle passe ensuite à Reiser dont elle a aimé l'adaptation de "Vive les femmes", car même si ce n'est pas un très bon film en soi, on y trouve de bons gags. Elle insiste notamment sur celui où un mec demande à plein de femmes pour coucher avec, elles refusent toutes, se montrant indignées d'une telle proposition, jusqu'à trouver l'élue ; ils baisent alors dans une petite cabane et lorsqu'ils en ressortent, épuisés et heureux, toutes les autres femmes qui ont refusé émettent intérieurement le regret d'avoir refusé un si bon moment. Ma voisine précise bien : c'est vrai que c'est con d'avoir refusé !


Elle dit aussi que les mecs macho comme ça, ça la fait rire. Elle me raconte qu'elle a été avocate (diplômée dans les années 80) et que maintenant elle tient un cabinet d'avocats et qu'il y a parité entre hommes et femmes alors que quand elle a commencé il n'y avait pas beaucoup de femmes avocates. Elle ajoute qu'une fois, un collègue a fait un petit commentaire humoristique sur le cul d'une femme, ses rares collègues femmes d'alors s'en sont offusquées alors qu'elle, elle a trouvé ça rigolo, parce que voilà, on peut défendre les droits féminins et rire en même temps d'une boutade de ce genre (il ne faut pas tout prendre trop au sérieux, m'a-t-elle dit). Après quoi elle a cessé de me parler, s'est replongée dans sa propre lecture.


Je suis resté assis quelques instants encore, puis je suis parti, elle m'a salué. Je me suis demandé par après si elle aurait accepté de baiser avec moi si je le lui avais proposé. Elle n'était pas trop mon genre mais la question m'a tout de même effleuré l'esprit. Ensuite, je me suis dit que j'aurais dû approfondir la question du sexisme dans son lieu de travail, que j'aurais même pu lui parler de "Projet crocodile" que j'avais lu peu de temps avant.


"J'étais un sale phallocrate" est une BD bien de Wolinski, avec du cul, de la politique et beaucoup d'humour. Ce qui m'a étonné, c'est à quel point certains gags semblent être en réaction à des événements récents. Comme quoi l'histoire se répète inlassablement. Il y a des thèmes comme ça, chers aux hommes, dont on ne peut se libérer, qui nous hantent constamment, de génération en génération. Et certains auteurs arrivent à capter ces thèmes, à les retranscrire et donc à créer une oeuvre intemporelle. Simplement parce que ça répond à nos besoins du moment.


Et puis j'aime bien quand Wolinski parle de cul. Je me retrouve un peu. Son truc ce n'est pas de mettre la femme sur un piédestal mais plutôt de demander à l'homme de descendre du sien. L'homme est faible, la femme aussi. Les deux peuvent se laisser aller aux pires pulsions sexuelles autant qu'aux pires bassesses. Et tout cela se fait tellement mieux quand on en rit. Le rire est d'ailleurs une arme très efficace. Qui peut amener plus de violence dans le pire des cas, mais qui peut aussi la stopper net dans le meilleur des cas.


Bref, j'ai passé un bon moment de lecture. Ce n'est pas la BD du siècle, mais un 7/10, pour moi, c'est déjà amplement suffisant pour passer un bon moment.

Fatpooper
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le 7 déc. 2015

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