Complot à Orchidia
Si Patrick Sobral, épaulé par Nadou, a fait une belle entrée avec son premier tome des Origines des Légendaires, fort est de constater que la suite est d'excellente facture. Toujours dans cet univers...
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le 12 mars 2018
Après nous avoir fait découvrir le passé de Danaël, dans le tome Origines dédié à ce dernier, la saga préquelle continue en nous faisant connaître la vie que Jadina a mené à Orchidia.
La princesse Jadina, en tant qu'héritière de la reine Adeyrid, doit passer l'épreuve du Bâton-Aigle, afin de prouver aux yeux du royaume qu'elle possède les qualités d'une souveraine. Malheureusement, la jeune fille échoue, Jadilyna ne la reconnaît pas comme la dauphine d'Orchidia. C'est ainsi que sa tante Invidia, qui jalouse avidement le trône de sa soeur Adeyrid, se met à manigancer un plan pour que sa nièce perde la vie, ce qui ferait d'Invidia la nouvelle héritière du royaume. Elle sera épaulée dans son sombre dessein de cette étrange femme aux yeux cachés, qui sauvera plusieurs fois les Légendaires dans le futur...
De tous les tomes Origines, Jadina est celui que je trouve le mieux écrit. C'est probablement le seul qui ne me fasse pas éprouver la moindre frustration, et qui ne me donne pas envie de dire "il aurait peut-être mieux valu faire comme ça". L'introduction, qui présente Jadina à l'âge de dix ans, est d'une longueur suffisante pour prendre conscience de la vie de l'héroïne, sans que cela n'empiète trop l'intrigue principale. Etant donné que les relations-phares entre les personnages sont plutôt froides, et que les personnages se voient tous les jours, on n'a pas forcément besoin d'en savoir plus, lorsqu'on les voit interagir ensembles. Les flash-back sont d'ailleurs bien utilisés pour approfondir leurs liens.
Il n'y a pas énormément d'action, mais cela reste un tome particulièrement palpitant. En effet, lorsque l'on suit toute la machination criminelle qui prend forme dans le dos de Jadina, on a vraiment envie de connaître le fin mot de l'histoire.
Quand on a lu la saga principale, on se doute bien qu'Invidia ne devrait pas survivre à cette aventure. Et on sait pertinemment que son plan va échouer. Mais on se pose beaucoup de questions sur la femme masquée, qui jusqu'à la toute fin, semble souhaiter la mort de la princesse.
Même si on a encore un humour bien manga, Jadina reste un tome majoritairement sérieux, qui n'hésite pas à plonger ses personnages dans des situations bien moroses, voire dramatiques. Je suis toujours bien prise par l'émotion, les sentiments des personnages sont particulièrement forts dans cet épisode.
Le trait de Nadou était déjà superbe dans le premier tome, et pourtant le fait est qu'elle s'est complètement surpassée dans cette suite! Les détails sont encore plus travaillés, faisant de chaque case un vrai plaisir pour les yeux. Les décors de la cité d'Orchidia sont nettement plus complexes que la jungle du premier opus, mais c'est réalisé avec brio. On se sent pleinement plongé dans la ville, et on a bien conscience de la majesté des lieux. Et pour moi qui adore la couleur verte, c'est toujours un régal d'admirer la cité royale, avec son omniprésente couleur émeraude. En ce qui concerne les expressions des personnages, Nadou se lâche encore bien plus qu'avant sur les chibis. En effet, les illustrations matures fréquentent constamment les dessins comiques. Il n'y a que lorsque la situation est particulièrement glauque que ces derniers ne se font pas présents. Mais ça ne me dérange pas. Ca amuse lorsqu'on voit la case en question, mais je trouve que ça n'en gâche pas forcément l'ambiance de l'entière scène. Ca peut paraître gênant quand on en parle comme ça, mais pour moi ça marche, je n'ai pas de souci.
Si on doit dire que chaque tome Origines met en valeur un lien particulier, on peut dire qu'il s'agit de celui de la famille dans cet opus. En effet, la famille royale d'Orchidia est particulière, et pas des plus aimantes...
On découvre donc un peu plus notre Jadina. On nous la fait premièrement découvrir lors de sa véritable enfance, avant de la retrouver durant son adolescence. On reconnaît bien la princesse que l'on a connu dans le Premier Arc de la saga principale. On retrouve ses caprices, son comportement pas toujours très mature, sa naïveté et son romantisme. Mais quoi qu'il en soit, elle est toujours très attachante, en sachant se montrer véritablement mignonne et drôle grâce à ses défauts, et non lourde comme dans les tout premiers épisodes de la saga principale. Ce tome centré sur elle approfondit bien la détentrice du Bâton-Aigle. On prend un peu plus conscience de l'enfance morose auquel elle a eu droit, avec une famille ne la percevant que comme l'héritière, et jamais comme une cousine, une nièce ou une fille. Si Jadina se comporte de façon particulièrement froide avec Adeyrid dans la septième histoire de la saga originelle, on se rend compte que durant sa jeunesse, elle a constamment vécu avec l'idée de rendre sa mère fière, et que cette dernière n'a jamais su répondre à ce souhait. L'actuelle leader des Légendaires n'a jamais véritablement eu de famille avant de créer son groupe de héros, et cela rend d'autant plus émouvante sa relation avec les Légendaires.
Son manque d'affection se ressent dans les sentiments amoureux qu'elle croit ressentir pour son précepteur. Elle embrasse Vangelis lors d'une scène, et paraît tout excitée lorsqu'elle reçoit une lettre romantique, écrite par le professeur. Mais lorsqu'elle apprend qu'il a écrite cette déclaration sous l'impulsion de la drogue, la princesse ne démontre aucun signe de déception, prouvant bien au lecteur que sa passion amoureuse n'était qu'illusion.
Jadina connaît une évolution dans ce tome, en se comportant d'abord comme une gamine capricieuse et peu attentionnée, avant de comprendre que le monde a besoin d'elle. C'est ainsi que la princesse devient complètement la Légendaire que l'on connaît, celle qui ne vit pas pour sa mère mais pour les opprimés.
On découvre un peu plus la reine Adeyrid, qui tout en ayant un rôle central, n'était pas énormément présente dans le diptyque 13-14. On avait bien vu qu'elle éprouvait peu de sentiments pour sa fille, mais dans ce tome, la souveraine paraît plus froide que jamais. Elle ne fait rien d'autre pour son enfant que de la réprimander, et même lorsqu'Adeyrid est fière de Jadina, elle ne semble pas le lui montrer ouvertement. Pourtant, lorsqu'on découvre comme elle était durant son enfance, on réalise qu'elle a connu les mêmes peines que sa progéniture. Elle ressemblait même beaucoup à Jadina au même âge. Ce n'est pas une femme très attachante, puisqu'elle est finalement assez égoïste. Cette femme fait en sorte de répondre à ses propres désirs, en faisant de Jadina son héritière, ou aussi en se permettant de commettre l'adultère avec Vangelis, mais ne se questionne jamais sur ce que veulent vraiment les autres. C'est par sa faute que Jadina ne prend au début pas la bonne voie et pour cette raison, Adeyrid est, on peut le dire, une semi-antagoniste.
Mais la principale antagoniste de cet épisode est la comtesse Invidia, soeur d'Adeyrid et tante de notre héroïne. Cette méchante avait vraiment tout pour être oubliable, et n'être rien qu'un cliché comme un autre. C'est une femme avide de pouvoirs et de vengeance, ne pouvant supporter de ne pas être la souveraine, et désirant la mort de sa nièce afin de devenir la nouvelle héritière d'Orchidia. Ca n'a rien d'original (ça rappelle beaucoup Scar dans Le Roi Lion), mais ça n'empêche pas que j'adore ce personnage. Ce qui fait que je l'aime tant, c'est qu'elle est particulièrement expressive, c'est une femme fortement émotive. On ressent parfaitement ce qu'elle ressent, on sent à quel point cette comtesse a la rage de ne pas être à la tête du royaume, on sent sa haine envers Jadina, on sent sa jubilation lorsque les événements ne tournent pas en la faveur de sa soeur ou de sa nièce. Mais malgré tout, ce n'est pas non plus un monstre dépourvu d'amour. Invidia aime profondément son fils Kasino, et là encore on le devine parfaitement. Si Invidia agit principalement pour elle (ce qui la différencie pas mal de Sheibah), ses agissements se font aussi dans le but de venger son fils, qui tout comme elle, n'a pas eu droit à la classe sociale qui leur revenait.
On a la chance de revoir le comte Kasino, cousin de notre héroïne. Et le moins qu'on puisse dire, c'est qu'on le redécouvre sous un tout autre oeil (sans mauvais jeu de mot). Il reste un jeune homme vantard, peu agréable avec autrui, et cédant parfois à des instants de folie. Mais alors qu'il paraissait purement idiot dans le diptyque 13-14, il devient ici plus complexe. Il ne se comporte pas de façon très amicale avec les gens qui l'entourent, mais son fond n'est pas encore aussi noir que celui de sa mère. Kasino ne déteste pas foncièrement sa cousine, et ne désire aucunement sa mort. Mais il est totalement manipulé par l'amour qu'il ressent pour Invidia. Ainsi, depuis son plus jeune âge, il s'est toujours mis en tête de ne pas se montrer affectueux envers Jadina, qui représente ce que la comtesse ne peut supporter.
En l'accusant d'avoir ouvert la cage du Cracolac, il ne faisait qu'effectuer le désir de sa mère, en disant ce qu'elle voulait entendre. Le moment où il décide de finalement venir en aide à sa cousine est un beau moment où Kasino parvient enfin à s'émanciper de sa mère... ce qui rend d'autant plus tragique la haine qu'il éprouvera ensuite envers Jadina.
Le jeune comte est également la preuve que même avec un prequel, et même pour un détail aussi gros que le physique d'un personnage, on peut créer la surprise chez le lecteur. Kasino a tout le temps un oeil caché derrière une mèche... avant de lire ce tome Origines, il n'était pas possible de se douter qu'il était borgne. Cela peut sembler n'être qu'un détail, mais sur le coup, ça m'avait beaucoup marquée. Ca fait partie du personnage, cela représente sa haine envers Jadina, c'est carrément sur sa face... et il faut découvrir son passé pour connaître ce fait.
Lorsqu'on suit Jadina, Kasino crée un mauvais sentiment de jalousie. En effet, Invidia et Kasino font partie des méchants, mais ils montrent pourtant clairement leur affection et leur respect l'un envers l'autre. C'est tout à fait l'inverse de la relation entre Jadina et Adeyrid. On se sent alors particulièrement énervé pour la princesse. Pourquoi n'a-t-elle pas droit à la moindre considération de sa mère, alors que son cousin y a droit avec la sienne? Tout cela contribue à rendre la présence de Kasino très appréciable, les Origines ne le rendent que meilleur.
On rencontre aussi enfin le professeur Vangelis. On croyait le connaître en lisant Sang Royal et L'Héritage du Mal, avant d'apprendre que ce n'était qu'un usurpateur. Et il correspond totalement à l'image à laquelle on se serait attendue. C'est un homme sérieux, attentif et affectueux. Mais il ne se limite tout de même pas au cliché du gentil professeur coincé, puisqu'il apporte des sympathiques touches d'humour, et détient un étonnant sens du charme pour quelqu'un de son âge. Sa relation avec Jadina est touchante. Il demeure la seule image parentale à laquelle la future-Légendaire ait jamais eu droit. Il peut même être considéré comme son père biologique, puisque c'est lui qui a composé la potion nécessaire à sa procréation. C'est assez dramatique de constater que cette figure aimante et attentive de père, Jadina ne l'a jamais vraiment comprise, interprétant les sentiments qu'elle entretenait pour Vangelis comme ceux d'un amour romantique.
Bien qu'il n'ait pas un rôle des plus importants, le roi Kinder est quand même un personnage intéressant. C'est un homme tellement effacé qu'il en fait de la peine. Il n'a pas les pleins pouvoirs du royaume, n'est pas aimé de son épouse, et provoque l'indifférence totale chez sa fille.
On découvre dans ce tome que Kinder a conscience des sentiments que sa femme éprouve pour leur médecin. Et pourtant, il ne le lui reproche jamais, et semble vraiment vouloir être proche d'Adeyrid.
Au final, il aimerait certainement être apprécié, mais il ne sait pas forcément être plus démonstratif que sa reine, et ne reçoit donc pas les intentions auxquelles il aspire.
Et bien entendu, on ne peut oublier la femme aux yeux cachés.
Si durant la majeure partie du tome, cette femme semble vouloir la mort de Jadina, il s'avère que depuis le début, elle l'aidait à se dépasser, à évoluer. La princesse d'Orchidia ne serait jamais devenue celle qu'on connaît sans cette personne. Rien que cela provoque beaucoup de questionnements sur ses intentions. Mais on est d'autant plus obsédé par l'idée de savoir lorsqu'Invidia soulève son voile, et est terrifiée par ses yeux. Yeux que le lecteur ne voit pas, mais a très certainement envie de voir, suite à cela.
Au final, il s'agit d'un excellent tome. En ce qui me concerne, je trouve que c'est le meilleur volet de la saga Origines. C'est celui que je considère comme le mieux écrit. Et si ce n'est pas forcément le plus dramatique, c'est pour moi l'épisode préquel dans lequel le drame fonctionne le mieux.
Et c'est ainsi que nous enfourchons notre Bâton-Aigle, et repartons en direction de Gryf et Shimy dans la saga principale!
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Créée
le 26 juil. 2017
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Très bonne BD, le graphisme est toujours autant époustouflant. A suivre...
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... non pas sur sa réalisation, aussi flamboyante que le premier tome avec un trait fin typé manga, précis et des couleurs vives mais plutôt sur son histoire que j'ai trouvé plus passionnante. On...
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