La Geste des Chevaliers Dragons.. Pour faire bref, j'ai commencé à lire cette série en début d'année, c'était mon cousin qui me l'avait conseillée : « Tu vas voir, ça va te plaire », qu'il me disait. Et oui, ça m'a plu.
Bon, à l'heure où j'écris ces lignes, je n'ai pas encore lu l'intégralité de la série (qui est toujours en cours de publication d'ailleurs) : la médiathèque où j'ai mes habitudes n'a pas encore le dernier tome. Cela ne m'empêche pas d'avoir une bonne vue d'ensemble sur la Geste.
Mais La Geste des Chevaliers Dragons, de quoi ça parle ?
Ambiance.
La Geste est une série d'heroic fantasy (forcément : des chevaliers, des dragons et des épées..) décrivant un monde médiéval dans lequel apparaissent sans prévenir des dragons. Ces dragons grandissent avec le temps et dégagent une influence maléfique nommée le Veill tordant le paysage, les plantes, les animaux et les humains. Les régions touchées deviennent alors stériles, instables et chaotiques ; les êtres vivants deviennent monstrueux et agressifs. Tout sombre dans la démence. Plus le dragon grandit, plus son influence maléfique s'élargit.
Néanmoins, ils ont deux failles, deux points faibles : seules les vierges sont immunisées au Veill et peuvent échapper à la vigilance de la Bête ; seules des lames fabriquées avec des os de dragon peuvent les blesser. C'est ainsi que s'est formé un ordre de vierges guerrières ayant pour but de chasser les dragons afin de protéger les royaumes humains : les Chevaliers Dragons.
Maintenant que vous avec (re)pris connaissance du pitch de la série, je peux continuer sur la critique à proprement parler.
Donc, la Geste est scénarisée par Ange, un couple de scénaristes de BD qui semble très prolifique (je ne connais d'eux que la Geste en fait..), chaque histoire se déroule à une époque différente avec des personnages différents (ce qui fait que l'on peut les lire indépendamment les uns des autres même si il y a une continuité, une chronologie) et chaque album est réalisé par un dessinateur différent.
C'est une démarche originale, cela fait que la série est à la fois toujours en train de se renouveler (pour ce qui est du trait, et chaque dessinateur a une approche différente de l'univers même si il y a visiblement un charte graphique à respecter) et garde en même temps un vraie cohérence (grâce au scénario). La lecture de chaque album est toujours quelque d'intéressant : on ne sait jamais vraiment ce que l'on va voir, c'est toujours une découverte.
M'enfin, cette façon de faire a aussi ses défauts : cela fait que la série a des hauts et des bas (surtout au niveau du dessin). Certains dessinateurs ne font pas vraiment un travail remarquable (et c'est dommage) : je pense notamment aux tomes 6, 10 et 15 (je décèle notamment sur le tome 15 l'utilisation de l'outil numérique et la non-maîtrise de celui-ci -et par les dieux, que je déteste ça !-).
A côté de ça, il y a tout de même des albums vraiment très impressionnants sur le plan graphique comme le tome 1 et le tome 11 (à celui-là, je dis chapeau).
Concernant le scénario, il n'y a pas grand chose à redire : le scénario est toujours cohérent, chaque Geste est différentes mais garde des liens avec les autres (on retrouve des personnages récurrents : le prêtre Hassan, le chevalier Oris, Amarelle ; ou des événements comme la bataille de Brisken, la guerre des Sardes.. ). Bref. Les seuls reproches que l'on peut vraiment faire aux scénaristes sont que certaines histoires sont moins intéressantes que d'autres (comme le tome 3, le tome 6 ou le tome 10) et que certains albums semblent s'achever un peu brusquement (sans doute du fait d'un nombre de pages précis à respecter, comme le tome 12). Je décerne une mention spéciale au tome 8 qui sent comme un hommage à Apocalypse Now.
Voilà pour les aspects plus ou moins techniques et matériels de la Geste.
Mais qu'en est-il du reste ? Qu'est-ce qui fait que La Geste des Chevaliers Dragons est une série vraiment intéressante ?
Eh bien cela tient à plusieurs choses.
La série se base sur une idée vraiment intéressante : à savoir le lien entre la femme et le dragon. Dans l'imaginaire collectif ainsi que dans la culture, on retrouve très souvent cela : par exemple, l'histoire de Saint Georges et du dragon (et oui, je vous cite le Tintoret). Sauf qu'à la place de montrer les demoiselles en victimes du dragon, la Geste les montre en tant que fléaux de ces monstres. Elles prennent le rôle de Saint Georges.
Les hommes sont impuissants face aux dragons, ils ne peuvent pas entrer dans le Veill sans être déformés et rendus fous, ils doivent faire confiances à ces femmes, à ces vierges guerrières. Et ce n'est pas du goût de tous : en effet, dans la Geste, le dragon n'est au final pas le premier ennemi des Chevaliers Dragons. Leur premier problème, c'est la jalousie des hommes, le sexisme et on voit cela dès le premier tome : les prêtres d'Aman sont hostiles à ces guerrières, les hommes sont jaloux, dévorés par l'envie, la vanité et leur rappellent souvent à quel point la condition de Chevalier Dragon est fragile. Au final, le combat contre le dragon n'est pas le cœur de la Geste. Malgré l'importance de l'Ordre des Chevaliers Dragons pour le maintiens et la survie des royaumes humains, certains s'en méfient, lui sont hostiles et tentent même de l'affaiblir (comme dans le tome 4).
Néanmoins, la série ne s'enfonce pas pour autant dans le féminisme : le tome 16 le montre parfaitement.
La Geste des Chevaliers Dragons est au final une série bien plus intelligente et fine qu'elle ne paraît. Même l'accoutrement -assez léger- des Chevaliers Dragons est justifié (dans le combat contre la Bête, ce n'est pas sur une armure d'acier et un haubert de mailles qu'il faut compter mais sur son agilité ; et puis on nous rappelle souvent que les guerrières ne sont pas toutes jeunes ou jolies -le colosse du tome 4-). Elle brasse de nombreux thèmes qui viennent ajouter à de la profondeur à l'univers qu'elle décrit : les positions ambiguës de l'Ordre en politique (malgré son adage « nous ne nous mêlons pas de politique »), son évolution dans ses lois et ses codes (avec la présence de luttes et de tensions internes à l'Ordre, le déchirement entre le conservatisme et le progressisme), ses choix moraux, la sexualité de ses guerrières.. Et cela sans compter le reste : l'évolution des royaumes et des empires, les guerres et les tentatives de coup d’État.
La Geste des Chevaliers Dragons est une série qui vaut le détour et qui, sous couvert d'heroic fantasy un peu racoleuse, offre un univers passionnant et beaucoup plus complexe qu'il n'y paraît.
Même si les différents tomes de la série ne sont pas tous au même niveau (du fait de l'alternance des dessinateurs ou de la limitation en nombre de pages) tous sont intéressants.
A défaut d'être un monument de la bande dessinée (à cause de ses hauts et ses bas), la Geste n'en reste pas moins un très bon divertissement pour tout amateur de BD ou d'heroic fantasy.
Lisez La Geste des Chevaliers Dragons parce que c'est bien.
(Si je devais mettre une note à la série, je lui mettrais un bon 8 sur 10 pour ses intentions et ce qu'elle essaye de faire, malgré ses défauts.)