Critique de Shaynning
À certains égards, le seinen "Je crois que mon fils est gay" me rappelle ma lecture de la BD Heartstopper. Ils ont le même registre très doux et des personnages un peu rondouillards sympathiques...
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le 4 août 2023
À certains égards, le seinen "Je crois que mon fils est gay" me rappelle ma lecture de la BD Heartstopper. Ils ont le même registre très doux et des personnages un peu rondouillards sympathiques. Surtout, ce sont deux univers où il y a peu d'enjeux et s'il y en a, ils sont abordé avec beaucoup de douceur.
Je pense préféré cette série-ci, néanmoins. Nous avons, pour une fois, le point de vue d'un parent, ici la maman, qui pense que son fils aîné de 15 ans est peut-être gay. Ce dernier ne s'est pas encore ouvertement confié à ce sujet, mais en véritable livre ouvert, Hiroki n'est absolument pas subtile à cacher son homosexualité. Il s'échappe très souvent quand à son attrait pour les hommes virils et rougit comme une pivoine dès qu'il le réalise. Ça amuse sa mère, d'ailleurs.
Au-delà du côté comique et léger, il y a dans cette série de vrais enjeux. Hiroki n'est pas à l'aise de faire un coming out, c'est sans doute parce qu'autours de lui subsiste des idées préconçues et des préjugés quand aux personnes homosexuelles. Son père en fait parti. Non pas qu'il soit ouvertement homophobe, loin de là, mais il est porteur de stéréotypes et d'idées reçues qui engendrent des malaises à quelques reprises dans la série. C'est un bel angle à traiter, je trouve, de la part de l'auteur. Les stéréotypes de genre et les rôles traditionnels de genre ont de réels filiations quand aux stéréotypes d'orientation sexuelles. Ce n'est pas seulement les gens qui réprouvent la diversité sexuelle qui en sont porteurs, mais la plupart des individus d'une société. Je donne par exemple l'idée de l'homosexualité avec le maniérisme féminin, encore très associé aux hommes gays. Ce n'est pas en soit méchant, la plupart des gens ne sont pas contre l'homosexualité, mais un mot ou une idée préconçue peut aussi bien nuire qu'une insulte ouverte. Ce sont ces éléments qui peuvent faire en sorte que subsiste une certaine crainte de la part des jeunes gays de s'afficher ouvertement: La crainte d'être catégorisé ou insultés indirectement par les stéréotypes et aprioris qui collent à leur orientation dans la société et surtout, dans la culture.
Je remarque que le petit frère d'Hiroki est un personnage très perspicace et observateur. Il a de bonnes réflexions et arrivent à passer des messages subtilement. Il incarne quelque chose de moderne et d'ouvert ce personnage tranquille, il me plait beaucoup. La maman aussi m'a souvent fait sourire. Elle a beaucoup de craintes d'être déplacée ou de nuire à son fils avec de "mauvaises pensées", mais du point de vue du lecteur, son attitude est quand même très adéquate. C'est une maman qui veut que son fils soit heureux avec ses goûts et sa façon d'être et en cela, ça fait d'elle une maman ouverte, moderne et empathique. Clairement, elle n'a aucun problème au fait que son garçon soit gay. Ça semble beaucoup l'angoisser par contre que Hiroki ne soit pas à l'aise avec sa propre orientation et elle cherche des pistes de réflexion pour pouvoir le soutenir. Dans les tomes suivant, elle aura l'opportunité de cultiver le dialogue avec des collègues, dont l'un est justement gay.
J'aime beaucoup le traitement autours des interactions interpersonnelles et des sentiments dans ce manga, sans doute l'un des plus "adéquat" sur ces questions. Globalement, les personnages ne sont pas du tout dans la tranche homophobe. Ils sont un peu ignorant de la diversité ce qui les rend maladroits et parfois inappropriés, mais ils ne semblent finalement que mal outillés et victimes des constructions sociales désuètes et inadéquates. La plupart se montrent même curieux du sujet. À travers la simple question de l'homosexualité, il y a le rapport que nous entretenons entre personnes, dans les premiers béguins, par exemple, ou les relations entre garçons et filles, encore sujettes à de tenaces stéréotypes. le manga interroge donc la façon que les gens entrent en interactions, à quel point c'est délicat parfois, et comment il importe de savoir se mettre à la place des autres ( empathie). Ça concerne aussi bien les personnages adultes que les personnages ados.
Bon, il reste que c'est à bien des égard un monde très idéal, peut-être pas tout à fait en adéquation avec la réalité, mais c'est parfois plaisant d'être dans un univers paisible comme celui-ci. Ça permet d'aller cibler d'autres enjeux et aussi de tabler sur un groupe social plus "avancé" sur la question de la diversité sexuelle, sans toujours revenir sur les personnes homophobes et intolérantes. Beaucoup d'oeuvres existent déjà sur le sujet, s'en est même devenu épidémique. Comme si être un personnage gay allait de facto avec une vie difficile, de l'intimidation et des fanatiques aux conceptions conservatrices sur le dos. Ici, on est dans quelque chose de plus positif, avec des personnages qui voit l'homosexualité comme un trait plus que comme une déviance. C'est très bien ainsi, parce que c'est le cas.
Enfin, je vois aussi à travers les personnages l'évolution de leurs pensées et même leur autoactualisation. C'est spécialement valable pour le personnage d'Hiroki, qui prend en confiance et explore ses intérêts avec plus d'aisance et de naturel.
Dans un sens, je trouve que le manga propose une vision de son auteur sur ce que pourrais être le monde si on revoyait ses jugements, s'intéressait davantage à la qualité de nos interactions et qu'on revoyait nos a priori autant sur la question de la diversité sexuelle que sur celles du genre. Il y a de belles réflexions et de bons constats, je lui trouve beaucoup de pertinence à cette série. Aussi, elle a le mérite, comme la BD Heartstopper, de changer le regard qu'on porte sur l'homosexualité, avec moins de clichés que Heartstopper, néanmoins.
Les dessins correspondent bien à ce que j'évoque précédemment, car ils sont doux, un peu naïf, plus un style que j'aurais vu en jeunesse peut-être, mais en même temps, ça sert bien le sujet et ça donne une dimension sympathique à cet univers. Ça correspond aussi bien au côté comique de la série. Je trouve en outre le trait très propre.
J'ai véritablement plaisir à lire cette série, qui est très positive, drôle tout en sachant être pertinente et accessible. Une série classée "Seinen", mais qui est en réalité assez grand public, dont accessible aux adolescents et même aux 10-12 ans qui auront envie de la lire. J'apprécie l'angle de l'histoire prise par le parent qui s'interroge et questionne ses compétences parentales du même coup. Ça respire la bienveillance, l'affection sincère et l'empathie.
Une belle série que je compte suivre.
Pour un lectorat seinen ( adulte) , mais accessible aux ados .
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le 4 août 2023
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