Je sais qu'il s'agit d'une adaptation d'un roman (que je n'ai pas lu), et que cela peut paraitre un peu contradictoire de dire ça mais : on est face à une oeuvre qui ne peut pas être adaptée pleinement sur un autre médium.
Pourquoi ?
Parce que c'est une bande-dessinée qui réussi exploite pleinement les capacités de la bande-dessinée, ce qui est une qualité qui n'est pas si répandu que ça.
Deux exemples à l'appui de mon propos :
Le moment où le personnage principal en train de ressasser en boucle des souvenirs déplaisants après l'agression de Terence. Ce moment est illustré sur un dessin d'une page, composé de 3 éléments :
- Les visages des personnages secondaires haïs par le protagoniste qui composent le fond de la planche
- Le protagoniste, au centre, réduit à l'état d'une silhouette sombre
- Et les phylactères remplis du seul mot "ruminer", de plus en plus déformé, au point d'être illisible
Et juste en une planche, tout est là. Le protagoniste qui, écrasé par son environnement, cet entourage délétère qu'il déteste profondément, sombre dans la folie. Il devient tellement obsédé par chacun des ces gens qu'il n'arrive plus à former une pensée construite.
Et tout est parfaitement compréhensible du premier coup, on saisit immédiatement la situation même si l'on n'a pas lu le début.
Mon deuxième exemple est la page dont est tiré l'illustration de la couverture, quand le protagoniste est à la fenêtre avec le fusil, et que son corps est composé des visages des gens de Mortagne.
Ce dessin fait écho à celui de mon premier exemple, cette fois le personnage a intégré les gens qu'il ne peut supporter, et finis par lui aussi devenir haïssable.
Juste avec ces deux dessins, on comprend le parcours psychologique du personnage principal, et c'est un très bel usage des possibilités de la bande-dessinée.
Je ne suis pas adepte des critiques longues, et c'est dommage, car cette oeuvre mériterait un commentaire complet. Il y aurait beaucoup à dire sur la représentation de la pression d'un avenir tout tracé, sur la médiocrité du commun, sur la vision des relations sociales, la perception du monde du travail...
Mais bon, je vais m'en arrêter là, et simplement vous conseiller de lire cette BD.