Reinhard Kleist s'est lancé dans l'ambitieux projet de dépeindre la vie de Johnny Cash en bande-dessinée (et il ferait pareil avec Nick Cave), évoquant ainsi le destin l'homme en noir, qui a commencé dans les champs de coton en 1932, parallèle de l'évolution de la société américaine depuis les années 1930 et la terrible grande dépression.
Une des forces de la BD Johnny Cash, aussi intitulée I See a Darkness, c'est dans la façon dont l'allemand s'inspire de l'âme et de la noirceur des chansons de Cash pour proposer un style graphique à cette image, à la fois poétique, torturé et sombre. Plusieurs passages sont d'ailleurs assez marquants, et beaux, dépeignant ainsi une poésie noire, comme les histoires profondes qu'il aimait raconter ou chanter. Elles ont souvent été marquées par la douleur et la rédemption, ce qui a fait de lui la voix ce ceux qui n'en avaient pas, des gens laissés sur le bas côté du rêve américain, travaillant pour un salaire de misère, ou les prisonniers.
Il ne s'intéresse pas forcément à toute sa vie mais va mettre en avant des passages particuliers, ceux qui représentent mieux Cash selon lui. En plus de sa jeunesse et de ses liens familiaux, notamment avec son frère, il va se passionner à dessiner sa rencontre avec June Carter, ses liens avec la prison de Folsom ou encore sa toute fin de vie et ses derniers enregistrements. Il montre aussi un véritable savoir-faire pour peindre les chansons, sachant nous immerger au cœur des mots de Cash, et de jouer, avec immense brio et un style épuré, avec le noir et blanc.
Il cerne magistralement le personnages qu'était Johnny Cash, que ce soit ses failles, notamment ses histoires d'addictions ou son premier mariage, mais aussi, ses idéaux, toujours au plus près des vrais humains, ceux qui travaillent dur et qui n'ont rien. Il parvient à nous entraîner dans sa vie, souvent fortement tragique, et nous faire ressentir ce qu'il y avait au fond de ce personnage, mais aussi sa voix venue d'outre-tombe, et dans des styles oscillant entre la country, le rock, le folk ou le blues, de quoi avoir vite envie de continuer à lire avec les meilleurs albums de Cash en fond sonore.
En signant l'oeuvre Johnny Cash, Reinhard Kleist parvient à dessiner l'âme torturée de l'Homme en noir, ses tragédies, ses succès ou encore sa poésie, nous donnant l'impression de marcher à ses côtés, et de nous faire ressentir ses émotions, dans un style épuré graphiquement, à l'image du chanteur de Walk the Line, Jackson, Ring of Fire ou encore Riders In The Sky.