Joker
7.5
Joker

BD (divers) de Benjamin Adam (2015)

Cette BD m'a été offerte par ma petite chérie. J'en fus très surpris, car habituellement elle n'ose pas trop offrir une BD que je n'ai pas encore lue. mais il faut croire que notre dernière conversation à ce sujet a fini par la convaincre : l'amour que je porte aux films, aux livres, aux BDs est tel que je m'en fous au final si le produit n'est pas mauvais. Acheter quelque chose que je ne connais pas, c'est un risque, mais c'est le genre de risque qu'un amoureux de l'art aime faire. Surtout quand on sait qu'un avis peut changer d'une lecture à l'autre, donc même si je n'aime pas une BD à sa première lecture, il n'est pas dit que dans 10 ans je ne lui trouverai pas un certain charme.


Et bien "Joker" m'a conquis lors de cette première lecture. Le récit est fort décousu et m'a rappelé "Citizen Kane" : au travers de nombreux personnages, on revient sur un événement, un fait divers, qui va alors prendre une ampleur gigantesque. On ne façonne pas ici un personnage au travers du regard des autres, mais un fait. Je trouve ça assez malin, surtout que chaque page, au final, peut se lire indépendamment du récit puisqu'elle est le plus souvent un portrait d'un personnage. Portrait amusant, simple, efficace, qui vient se rattacher à une intrigue qui dépasse le personnage. Cette méthode tend aussi à complexifier une intrigue pourtant simple : en fait, c'est le fait de digresser non stop, d'empêcher le lecteur de se concentrer sur les personnages principaux qui donne l'impression (fausse) que le récit soit complexe. C'est quand même bien foutu, car ça relance constamment l'intérêt ; j'ai quand même cru que le procédé finirait par s’essouffler mais l'auteur évite cela en revenant sur des personnages déjà présentés, ce qui permet de faire avancer l'intrigue de temps en temps et surtout de proposer un repère déjà connu du lecteur. À noter tout de même que la fin est un peu expéditive. Je veux dire : le moment charnière où tout bascule vers la situation finale. Car la situation finale, en soi, est assez bien développée, on en apprend plus qu'on l'aurait cru sur cette vie après la résolution finale. J'ai l'impression que si ce moment charnière est si court, c'est que l'auteur s'est retrouvé piégé par son propre récit. En effet, c'était devenu tellement gros qu'il n'a sans doute pas trop su comment résoudre son histoire. D'ailleurs, les quelques pages qui précèdent ce moment, on peut entrevoir le doute de l'auteur qui tente d'annoncer qu'un tel récit est compliqué à boucler (la prédiction incertaine d'un nouveau personnage quant à la fin de cette histoire).


Graphiquement, j'ai beaucoup aimé aussi. L'auteur utilise principalement un gaufrier : sur autant de page on aurait pu penser à une mise en scène répétitive, des cadrages redondants dans l'espoir de créer un effet comique. L'auteur évite cela et propose des cadrages différents. Non pas différents sur la longueur, mais disons qu'il évite le strip de cases répétées, comme Trondheim, entre autres, se plaît à le faire. Et ça c'est fort. Le texte complète bien l'image aussi, on sent que l'auteur a vraiment dû construire son découpage de manière épurée, minimaliste, essentielle. Les personnages ont de bonnes têtes, j'aime beaucoup la manière dont le corps est dessiné aussi. Le trait est également plaisant : fin, droit, sûr de lui. Avec quelques effets d'ombrages par masses de noir ou quelques rares hachures. Cela fonctionne assez bien. Mëme la couverture est jolie : on se retrouve face à un bien bel objet.


Bref, "Joker" est une belle petite surprise, je serais curieux de lire d'autres romans graphiques de cet auteur.

Fatpooper
7
Écrit par

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le 29 mars 2016

Critique lue 474 fois

1 j'aime

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