Voilà bientôt 25 ans que Journal d'un album est sortie et mine de rien, c'est une des bds que l'on retrouve souvent citées parmi les meilleurs produits par l'Association. Et s'il est encore réédité, c'est qu'il a dû marquer. Sans doute parce que c'est une des premières fois que l'on a droit à un album auto-biographique sur un travail en cours (Lewis Trondheim fera la même chose peu de temps plus tard avec son Approximativement.)
Peut-être aussi parce qu'une époque le duo Dupuy-Berberian était atypique dans la bd française : c'était le seul duo d'auteur qui dessinait et scénarisait tous les deux la même bd et réussissaient pourtant à avoir quelque chose d'unis. Dans les années 90 c'était les rares auteurs capables à la fois de bosser pour des boites comme Fluide Glacial ou Bayard Presse tout en ayant parallèlement un pied dans la bd indé avant que pas mal de gens fassent de même. (Journal d'un album sera d'ailleurs l'un des seuls albums qu'ils ont publiés à l'Association, une bizarrerie qui est soulignée plusieurs fois dans l'album.)
Et évidemment, au lieu de parler de la confection de l'album (ou si peu) ces deux là parlent de leurs vies. On retrouve le thème de l'auteur de bd qui a une trentaine d'année, qui vient d'être papa et assume mal d'être déjà devenu adulte. A l'époque, non seulement c'était pas un poncif mais à le relire on sent cette franchise et cette fragilité derrière les doutes et les incertitudes.
Au départ le récit de Berberian est plutôt comique et léger et basé sur la perception du métier d'auteur de bd à l'extérieur et par ses angoisses de gosses. Puis vient celui de Dupuy qui apparaît au départ comme plutôt vain (celui-ci se demandant s'il arrivera à dire quelque chose et rame) puis il se lâche complètement et offre le récit d'un passage à vide, d'une période de déprime qu'il a vécu et ce qu'il raconte est très touchant. Au final, on touche du doigt deux récits auto-biographique assez intéressant qu'il est à mettre en parallèle des problèmes connus par leur maison d'édition et de ce qu'ils parlaient à ce moment là dans monsieur Jean (leur personnage devant affronter le fait d'être un papa trentenaire.)
On sent tout en lisant la bd que celle-ci a fait office de catharsis aux deux auteurs et c'est franchement pas désagréable à lire.