À lire confortablement et avec plein d'extraits, ici: https://branchesculture.com/2024/05/13/jungle-book-1-les-observations-animalieres-de-rudyard-kipling-anne-quenton-dupuis-apocalypse-anthropomorphe-mad-max-changements-histoires-comme-ca-pedro-rodriguez-aventuriers-d-ailleurs-origine-elepha/
Pour son premier album et même sa première série largement distribués (elle aurait auparavant sorti une BD érotique, Jeux de mains), Anne Quenton s’est lancé un sacré défi: adapter dans un autre monde le livre de la jungle, en poussant un peu plus les curseurs initiaux. Ici Baloo, Raksha et autres Shere-Khan sont des anthropomorphes accomplis. Ils ne se contentent plus de communiquer avec le petit d’homme, comme on le ferait avec Yakari, ils ont passé un cap: ils ont des vêtements, se sont dressés sur leurs deux pattes arrière, conduisent des bolides, prennent leur café ou sont même capables de se servir d’armes. D’ailleurs, quand un « pan » retentit dans la nuit et les arbres touffus, c’est là que commence l’histoire revisitée par Anne Quenton.
En nous présentant les animaux en version upgradée, déjà, la jeune autrice, formée à Emile Cohl puis Bellecour, plutôt orientée animation (en tant que décoratrice chez Xilam) a le don d’intriguer. Encore plus quand, du terrain de chasse du tigre-dont-on-ne-doit-pas-prononcer-le-nom, surgissent deux humains, atomisés deux secondes plus tard, tout en ayant de temps de confier aux loups un tout petit bébé emmailloté. Mowgli! Eh non, Moogli, une fille, encore plus burnée que le personnage originel. Remarquez, il le faut, dans ce monde sans concession, qui recèle encore des merveilles et des horreurs.
Quelque part entre Henri Reculé (dans sa veine Jack Wolfgang, même s’il avait déjà adapté Le dernier livre de la jungle) et Arthur de Pins (Zombillenium), Anne Quenton dévoile un style accrocheur et très dynamique, avec de belles lumières et des idées graphiques prometteuses. Dans le scénario, si l’on comprend que les rapports de force entre humains (en voie de disparition) et animaux se sont inversés, ces derniers ne s’étant pas toujours promenés comme des bipèdes, le ton un peu Mad Max de cette revisite oblige, et ce n’est pas plus mal, l’autrice à prendre de nouvelles voies, tout en raccrochant les wagons de l’histoire originale. Avec, sur la fin de ce premier tome, amenée par des découvertes glauques, un climax et un grand affrontement dont tous ne ressortent pas indemnes. Alors que la place de Moogli est plus que jamais en sursis. J’attends de voir la suite mais ça m’a emballé! Anne Quenton réussit une belle et incisive entrée en matière.