S'il y a bien un truc vraiment chiant avec les histoires de super-héros, c'est leur immortalité. Même lorsque l'on a affaire à un putain de génie du scénario, il est impossible de craindre pour la vie de Batman, Superman, Green Lantern et les autres... Ha ! Supertruc vient quand même de passer l'arme à gauche ? Hé ben on s'en fout complètement en fait. Parce qu'il va ressusciter. Encore et encore. Par magie, par grâce divine, par le fait d'un paradoxe temporel moisi, peu importe: les héros morts finiront toujours par revenir. Même chose pour les ennemis aussi, bien sûr. A quelques notables exceptions près (mais qui ne concernent pas les grosses pointures qui rapportent du fric), les héros costumés traversent les âges en défiant si souvent la mort qu'on perd une grande partie de la tension qu'on est en droit d'attendre d'une bonne histoire (qui a dit « Watchmen » et son tueur de héros qui prend tout le monde à contrepied ?).


Il existe cependant une alternative. Tuer les proches des super-héros. Et à ce petit jeu, « Crise d'identité » remporte la palme haut la main. Si cette oeuvre est construite comme un excellent polar, ce n'est pas un hasard: le scénariste, un certain Brad Meltzer, est avant tout un romancier spécialisé dans les thrillers et est juste venu faire une petite incursion plus que bienvenue dans le monde des comics. Livrant au passage la meilleure enquête de super-héros depuis les « Long Halloween » et « Amère Victoire » de Jeph Loeb. Vous savez, le genre d'histoire tellement crédible que oui, vous arrivez à croire vraiment, ne serait-ce que pendant quelques instants, qu'une palanquée de mecs déguisés qui volent et qui se téléportent, après tout ça pourrait peut-être bien arriver pour de bon. Oui, le monsieur est très fort...


Une telle crédibilité se fait au prix d'une véritable introspection des personnages, régulièrement abaissés à une échelle humaine nous permettant de nous focaliser pleinement sur leurs doutes, leurs peurs, leurs faiblesses. Personnellement, j'ai toujours été fan de cet angle scénaristique post-Watchmen qui amène, lorsqu'il est bien traité, à des questionnements qui débordent du simple loisir pour adolescents auquel on cantonne encore trop souvent le monde des comics. Car c'est bel et bien notre humanité qui est passée au crible en même temps que celle des personnages de fiction dépeints dans cette aventure qui oscille avec un talent inouï entre les scènes intimistes et les séquences de bravoure qui nous en mettent plein la gueule.


« Crise d'identité », de toute façon, contient une succession de scènes fortes, tragiques et même parfois totalement cultes. Les morts qui interviennent durant le récit comptent vraiment et marquent aussi bien nos esprits de lecteurs que la chronologie officielle DC. Le rythme est soutenu, les idées narratives sont géniales, les personnages superbement bien écrits et attachants... C'est tellement du bon boulot que, même s'il m'est arrivé d'être un peu perdu à un ou deux moments à cause des dizaines de personnages dont je n'avais jamais entendu parler avant, l'histoire reste accessible à quiconque possède quelques connaissances basiques sur l'univers DC (lisez quelques histoires étalon avant ou renseignez-vous sur Internet en cours de lecture sur tel ou tel personnage) même si, évidemment, le plaisir de lecture ne fera que croître à mesure que vous serez capable de déceler les multiples clins d'oeil disséminés tout au long des pages, à l'instar de ce que faisait l'excellent "Kingdom Come", encore plus fourni de ce côté-là (voir ma critique: http://www.senscritique.com/bd/Kingdom_Come/critique/13614983).


Le dessin de Rags Morales, sans être exceptionnel, accomplit parfaitement son office, avec un style équilibré entre modernité et charme rétro (on n'est pas devant du Jim Lee, c'est sûr), ce qui a tendance à me séduire puisqu'on y retrouve d'excellentes ambiances, encore magnifiées par une colorisation tout en subtilité. De plus, ses visages ont le mérite d'être particulièrement expressifs et de dégager de véritables émotions.


Un must, c'est dit, exigeant, fun, brillant, intelligent. Il y a tellement de scénaristes bourrins et peu inspirés dans la BD américaine... pourquoi perdre son temps avec eux lorsque des perles pareilles existent ? Le genre d'histoires que les nababs hollywoodiens s'échinent étrangement à ne jamais adapter au cinéma, histoire de continuer à rassurer le grand public qui croit dur comme fer que les comics sont encore réservés aux enfants ou aux jeunes adultes à l'esprit peu développé...

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le 8 mars 2013

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Amrit

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