Dans une industrie du comics mainstream qui cherche à publier toujours plus, toujours plus vite, survivent une poignée d’artistes prêts à défendre une autre idée du monde. Un monde où les superhéros n’existent pas que pour vendre des produits dérivés mais pour inspirer. Un monde où l’on prend le temps d’écrire, de peindre et de composer des aventures qui fascineront encore dans une centaine d’années. Alex Ross et Paul Dini viennent de ce monde-là, et la nouvelle édition du monument Justice League : Icônes par Urban Comics est là pour nous le rappeler.
- Après avoir peint le crépuscule de la Justice League dans le somptueux Kingdom Come, Alex Ross reprend ses pinceaux pour revenir aux origines de l’équipe. Il donne alors vie à des superhéros jeunes, immaculés, dont les corps divins semblent être sculptés dans des blocs bruts de rêves américains. S’ils font bien sûr la démonstration de l’étendue de leurs pouvoirs dans ces 400 pages, ils y affrontent davantage d’épreuves morales que physiques.
Superman cherche à éradiquer la faim, Batman combat celui qu’il serait devenu sans la mort de ses parents, Wonder Woman est rejetée par les humains qu’elle protège… L’heure est venue pour les superhéros DC de se regarder dans le miroir et de devenir plus que de simples gardiens de la paix tout puissants. Ils doivent désormais trouver leur place parmi les hommes.
Par une série d’histoires courtes dédiées à chaque personnage, Paul Dini questionne habilement leur raison d’être. En s’appuyant sur les compositions bibliques d’Alex Ross, il délivre des récits qui assument pleinement leur portée mythologique.
On voit ainsi les héros de la Justice League se mêler aux hommes, tantôt pour les aider, tantôt pour les affronter dans des tableaux particulièrement évocateurs. On reste stupéfait devant Wonder Woman, le visage fermé, le corps sublime, tombant du ciel dans une posture christique pour combattre une milice armée. À quelques pages de là, on est bouleversé par Shazam qui accepte, impuissant, la mort d’une enfant malade sur son lit d’hôpital… Ses yeux, comme les nôtres, sont grands ouverts pour saisir la beauté de l’instant figé à tout jamais dans le papier glacé.
Il faut attendre la dernière histoire pour que les superhéros se réunissent enfin en “Justice League” dans une aventure qui synthétise la raison d’être de cet ouvrage. Ensemble, ils affrontent un ennemi invisible, une épidémie meurtrière qui risque de contaminer la planète. Alors que la population mondiale est prise d’une panique que seuls les mortels peuvent connaître, les surhommes interviennent pour empêcher les hommes de se mettre en danger. Mais la Justice League peut-elle agir contre la volonté des humains ? Peut-on sauver ceux qui refusent de l’être ? Quand la victime est son propre bourreau, qui condamner ? Nous, on cherche encore les réponses à ces questions, et on remercie P. Dini et A. Ross de nous les avoir posées.
Justice League : Icônes est à la fois un point d’entrée parfait pour les nouveaux lecteurs et un aboutissement pour l’univers de DC Comics. Le style grandiloquent d’Alex Ross épouse les fables morales de Paul Dini, pour donner naissance à une œuvre de référence qui sublime la grandeur d’âme des héros de la Justice League. Et si c’était ça, le vrai super-pouvoir qui les différencie des hommes ?
Critique par Anthony Marques - Cultiz