Partons aujourd’hui dans un Japon médiéval où une
nouvelle fois le bien et le mal s’affronte sous nos
yeux impatients. Saverio Tenuta poursuit ainsi son
exploration de l’univers de la saga « la légende des
nuées écarlates », série grâce à laquelle le bédéiste avait
gagné ses lettres de noblesse.
On a affaire dans ce nouveau cycle aux Izunas, des
esprits de la forêt particulièrement charismatique et
auxquels il vaut mieux ne pas se frotter. Ces derniers
prennent l’apparence d’énormes loups blancs aux
muscles saillants et aux griffes acérées. Leur but est de
protéger la forêt des infâmes Noggos, sortes de démons
liquides noirâtres contaminant ce qu’ils touchent et
dont l’origine est carrément angoissante. Pour en
rajouter une couche, le voile séparant le monde des
esprits au monde des vivants est sur le point de se
briser, ce qui risque de faire basculer le monde dans
un abîme sans précédent, d’autant plus qu’une espèce
de dictateur dingue massacre chaque village et qu’une
jeune fille vient de naitre avec les loups. Ouf !
Ce que l’on trouve en lisant cette œuvre est d’abord le
dessin bluffant de la jeune Carita Lupatelli. Elle tient
le tout d’un coup de crayon précis et efficace. Les
mouvements des personnages sont gracieux, fluides, on
sent les déplacements d’air fin lorsque les loups fondent
sur leurs adversaires.
Pour le style, on sent que l’auteur a appris l’art de
l’estampe. Cette manière de traiter le sujet par ce type
de dessin est d’une cohérence totale avec l’histoire et
la mythologie typiquement Japonaise dans laquelle
elle s’inscrit. BD onirique, Izunas prend le temps de
s’installer, présente les personnages bien trempés
chacun ayant leur caractère et leurs attributs
particuliers. Pour apprécier la saveur de cette BD,
nous conseillerons au lecteur d’y aller lentement, de
ne pas la dévorer. Il faut savoir apprécier le contenu et
déguster chaque case tel un tableau de maître.
Les cinéphiles ne pourront s’empêcher de penser à
Princesse Mononoké. En effet, Myazaki n’est pas loin
ainsi que ses thématiques humanistes. La défense d’une
humanité en proie à la noirceur d’un monde sur le fil
imprègne chaque case, chaque dialogue et chaque
mouvement. Ici tout est fait pour que le lecteur capte
la valeur de la vie et du danger de se laisser aller vers
sa noirceur.
Et puis rien que pour cette séquence furieuse d’un loup
faisant passer un ninja à travers une porte fermée, cette
BD vaut le coup d’œil
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