Ça ne pouvait que m'emballer : un dessinateur virtuose qui s'intéresse à l'au-delà. Du coup, avec ce sujet un peu morbide quand on n'y connaît rien, il pouvait se mettre à dos tous ceux que l'ésotérisme laisse froids ou repousse. Il faut dire que l'une des deux héroïnes, celle qui donne son nom à l'ouvrage, n'est autre que l'émissaire de la Mort, qui vient recueillir une nouvelle venue, histoire de lui expliquer un peu ce qui se passe du côté du Grand Mystère. Qui n'est guère mystérieux, une fois passé son côté un peu folklorique, puisqu'il s'agit d'une vaste administration céleste, qui s'occupe de flux d'immigrés en suivant un protocole tout à fait bureaucratique. Karmen, sorte d'ange-gardien de Catalina, la prend donc en charge très officiellement, avec toute la fantaisie qui est la sienne, parce qu'elle est une émissaire bien peu orthodoxe... elle éprouve en effet une certaine empathie pour les défunts, et ça, dans une bureaucratie, c'est l'équivalent d'un grain de sable. Mais, et Dieu, dans tout ça ? Eh bien là, le scénario la joue très fine, si bien que je ne peux rien en dire sans gâcher la surprise. Je passe donc à la partie graphique : quelle maestria ! Comme si Guarnido avait fait un petit avec les animateurs de Spiderman: New Generation. Des cadrages délirants, grandioses, ingénieux, dynamiques en veux-tu en voilà, des voyages astraux hallucinants de légèreté, du sketching urbain au service de la narration, de l'anatomie gracieuse qui rend glorieux le corps des femmes, des physionomies expressives qui éveillent l'empathie, et j'en passe ! Une vraie belle réussite, un morceau de bravoure, un hymne à la joie graphique ! Le sans-faute. Le seul bémol vient de moi, en fait, et pas de cette œuvre magistrale : je ne suis pas sûre d'avoir vraiment saisi la teneur de l'épilogue. Quelques pages qui vont appeler une relecture... chouette ! En tout cas, l'histoire n'est pas simpliste (ça dépasse un peu le Coco de Disney, question grille de lecture métaphysique...) et recèle même quelques jolis morceaux à la Always, quand ce ne sont pas des allusions directes à Ghost. Et l'usage de cette culture pop, loin d'affaiblir le propos, sert de mise en abyme pour des concepts bien plus élaborés, comme le karma, la prédestination, la grâce, le Jugement Dernier et tout le tremblement. Personnellement, j'adore. Non, vraiment, le sans-faute.