Karmen
7.1
Karmen

BD (divers) de Guillem March (2020)

Ça ne pouvait que m'emballer : un dessinateur virtuose qui s'intéresse à l'au-delà. Du coup, avec ce sujet un peu morbide quand on n'y connaît rien, il pouvait se mettre à dos tous ceux que l'ésotérisme laisse froids ou repousse. Il faut dire que l'une des deux héroïnes, celle qui donne son nom à l'ouvrage, n'est autre que l'émissaire de la Mort, qui vient recueillir une nouvelle venue, histoire de lui expliquer un peu ce qui se passe du côté du Grand Mystère. Qui n'est guère mystérieux, une fois passé son côté un peu folklorique, puisqu'il s'agit d'une vaste administration céleste, qui s'occupe de flux d'immigrés en suivant un protocole tout à fait bureaucratique. Karmen, sorte d'ange-gardien de Catalina, la prend donc en charge très officiellement, avec toute la fantaisie qui est la sienne, parce qu'elle est une émissaire bien peu orthodoxe... elle éprouve en effet une certaine empathie pour les défunts, et ça, dans une bureaucratie, c'est l'équivalent d'un grain de sable. Mais, et Dieu, dans tout ça ? Eh bien là, le scénario la joue très fine, si bien que je ne peux rien en dire sans gâcher la surprise. Je passe donc à la partie graphique : quelle maestria ! Comme si Guarnido avait fait un petit avec les animateurs de Spiderman: New Generation. Des cadrages délirants, grandioses, ingénieux, dynamiques en veux-tu en voilà, des voyages astraux hallucinants de légèreté, du sketching urbain au service de la narration, de l'anatomie gracieuse qui rend glorieux le corps des femmes, des physionomies expressives qui éveillent l'empathie, et j'en passe ! Une vraie belle réussite, un morceau de bravoure, un hymne à la joie graphique ! Le sans-faute. Le seul bémol vient de moi, en fait, et pas de cette œuvre magistrale : je ne suis pas sûre d'avoir vraiment saisi la teneur de l'épilogue. Quelques pages qui vont appeler une relecture... chouette ! En tout cas, l'histoire n'est pas simpliste (ça dépasse un peu le Coco de Disney, question grille de lecture métaphysique...) et recèle même quelques jolis morceaux à la Always, quand ce ne sont pas des allusions directes à Ghost. Et l'usage de cette culture pop, loin d'affaiblir le propos, sert de mise en abyme pour des concepts bien plus élaborés, comme le karma, la prédestination, la grâce, le Jugement Dernier et tout le tremblement. Personnellement, j'adore. Non, vraiment, le sans-faute.

ChristineDeschamps
10

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur.

Créée

le 20 juin 2020

Critique lue 195 fois

1 j'aime

Critique lue 195 fois

1

D'autres avis sur Karmen

Karmen
ChristineDeschamps
10

Critique de Karmen par Christine Deschamps

Ça ne pouvait que m'emballer : un dessinateur virtuose qui s'intéresse à l'au-delà. Du coup, avec ce sujet un peu morbide quand on n'y connaît rien, il pouvait se mettre à dos tous ceux que...

le 20 juin 2020

1 j'aime

Karmen
RodySansei
6

Bien au début, mais ça s’essouffle vite

Un premier tiers vraiment très bon (original sur tous les plans), puis un deuxième tiers où on espère ne pas déjà deviner la fin, et enfin le dernier tiers qui tombe dans la niaiserie. Au final,...

le 29 mars 2020

1 j'aime

Du même critique

Watchmen
ChristineDeschamps
5

Critique de Watchmen par Christine Deschamps

Il va vraiment falloir que je relise le somptueux roman graphique anglais pour aller exhumer à la pince à épiler les références étalées dans ce gloubiboulga pas toujours très digeste, qui recèle...

le 18 déc. 2019

23 j'aime

3

Chernobyl
ChristineDeschamps
9

Critique de Chernobyl par Christine Deschamps

Je ne peux guère prétendre y entendre quoi que ce soit à la fission nucléaire et, comme pas mal de gens, je présume, je suis bien contente d'avoir de l'électricité en quantité tout en étant...

le 9 sept. 2019

13 j'aime

5

Tuer l'indien dans le cœur de l'enfant
ChristineDeschamps
8

Critique de Tuer l'indien dans le cœur de l'enfant par Christine Deschamps

Civilisation : "État de développement économique, social, politique, culturel auquel sont parvenues certaines sociétés et qui est considéré comme un idéal à atteindre par les autres." Cela ne...

le 16 avr. 2021

11 j'aime

4