Retraités... restez-le
Devrions-nous juger de la force d’une œuvre à la pertinence de son titre que nous aurions alors tout à redouter de Katsuraakira. Car il ne s’agit, littéralement, que du concentré du nom des deux...
il y a 5 jours
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Devrions-nous juger de la force d’une œuvre à la pertinence de son titre que nous aurions alors tout à redouter de Katsuraakira. Car il ne s’agit, littéralement, que du concentré du nom des deux auteurs, à savoir Masakazu Katsura et Akira Toriyama. On les dit tout deux amis de longue date ; suffisamment en tout cas pour que le premier parvînt à extirper le second de son relatif ermitage d’alors, le temps de se confondre en tandem sur deux histoires courtes compilées en un volume.
L’exercice dont on est le lecteur ; alléchant en bien des occurrences alors qu’on se plaît à voir se mêler deux imaginaires et styles graphiques franchement distinctifs, reste cependant frustrant en ce sens où on ignore exactement quelle est la part laissée par chaque auteur dans les planches. Le style s'accepte en ces planches comme une réelle fusion de celui de ses auteurs, aboutissant à un rendu bâtard dont on ne sait que trop quoi faire puisqu’on ne reconnaît que peu de traces de l’un ou de l’autre.
Sachie-chan Guu!, première œuvre du recueil est confuse. La brièveté d’une histoire courte suppose nécessairement d’être concis, succinct et parfois exagérément synthétique dans l’exposition qui est faite de l’œuvre. Toutefois, tout est ici formulé trop confusément pour nous perdre dès les premières planches avec un contenu qui, pourtant, n’a rien de complexe de prime abord.
L’aspect frénétiquement enjoué de cette première composition, je le crains et le déplore, vous rappellera plus vraisemblablement Dr. Slump que Dragon Ball. Akira Toriyama, dans cette œuvre, y a mis du sien, mais pas la meilleure part. Le déferlement de gags lourds et consternants vous tombe dessus comme de l’huile sur de l’eau, sans que vous ne soyez jamais imprégné de ce qu’on cherche à vous transmettre. Pourquoi avoir écrit ces œuvres par ailleurs ?
Faussement excentrique, véritablement usant et aberrant, Sachie-chan Guu! renoue avec les heures les moins glorieuses du Shônen de la fin des années 1980 et la première moitié de la décennie 1990. L’œuvre est pareille à une capsule temporelle dont on aurait en plus aménagé le contenu afin qu’il s’accorde à l’air du temps. Y’a pas une bonne idée à glaner de l’aventure, ce qu’on lit est niaiseux et exagérément infantile.
L’air du temps, empoisonné pour qui le sait à force de s’y être exposé, avilit à la fois les traits et les esprits de deux auteurs jadis prolifiques dans leur palmarès. L’intrigue est absente, l’action quelconque et pareille à tout ce qui se faisait à l’époque de sa parution ; nous cherchons à chaque page à nous extirper de la mélasse en nous cramponnant à un mur lisse sur lequel nous n’avons aucune prise. Il n’y a rien pour nous sauver de l’ennui et du mépris naissant qui croît en nous le temps de notre lecture. C’est à croire qu’ils se sont mis à deux afin de trouver tous les moyens possibles d’être mésestimés de leurs fidèles.
Une fois remis de la déception initiale, reste trois chapitres à écumer, ceux-ci narrant une même histoire. De quoi peut-être approfondir et consolider le contenu qu’on nous sert, afin que son existence ait au moins pris la peine d’avoir un sens avant de se constituer. Alors très vite on sent ; très vite on sait, on sait que Akira Toriyama n’a pas touché à un crayon de papier depuis une dizaine d’années au moins.
Le dessin est catastrophique : du Dragon Ball Super dans le trait. Je pèse mes mots et même que je m’étrangle avec au moment de les rédiger : c’est hideux et ça nous parvient sans un effort de mise en scène consistant.
Cette collaboration d’auteur m’encourage à violer les canons de l’algèbre pour vous assurer que deux « plus » n’aboutissent pas nécessairement à une addition. Vous aimez le caviar, vous aimez le jus de pomme ? Croyez-moi que vous n’aimerez ni l’un ni l’autre si vous les mélangez. Mieux vaut œuvrer en solitaire que se compromettre dans une collaboration maladroite (c'est ce que dit Kurapika aux tueurs à gages venus à York Shin lorsqu'ils devisent un plan pour assassiner Chrollo.) Un duo aux pinceaux suppose une alchimie ; une complétude. Être amis ne suffit pas à savoir se coordonner pour synthétiser un registre qui résulte d’une symbiose. Deux bonnes idées émanant de deux esprits distincts, quand on les mélange, aboutissent à une fausse couche. Il y eut fallu envisager une bonne idée conjointe pour que le rendu fut satisfaisait, ce dont les auteurs ont été incapables.
Les intrigues sont bateau – genre Titanic – les personnages archétypés au dernier degré pour les faire se contorsionner dans des cases étroites et le dessin n’a vocation à exercer aucun attrait sur son lecteur. Lorsque l’on sait quelle énergie se sera dégagée de Dragon Ball et quelle minutie dans le crayonné était capable Katsura, même pour un Shônen, Katsuraakira ne sonne alors pas comme le chant du cygne, mais le râle d’agonie de deux héros de jadis, aujourd’hui perdus en unité gériatrique.
À la moindre page qui vient – « moindre », c’est le mot juste – on se lamente à devoir crier « pourquoi », pourquoi avoir composé un pareil manga ? L’argent n’est pas une motivation considérant le patrimoine des deux auteurs. Le fait est que Katsuraakira n’a manifestement pas été écrit et dessiné afin d’offrir à ses lecteurs un contenu nouveau ou bien le présenter à un élan artistique digne d’être observé. De n’importe quel auteur, on aurait dit de ces œuvres qu’elles étaient plates, mal inspirées et sans propos aucun. Le fait qu’elles aient été dessinées et écrites par deux grands du manga n’en est que plus douloureux à supporter à la lecture.
Vous souhaitez conserver un regard brillant chaque fois que le nom de Akira Toriyama et Masakazu Katsura se prête à vos yeux ? Passez outre Katsuraakira. Ou mieux, passez-dessus et essuyez-vous les pieds, car je ne vois pas à quelle autre fin un contenu aussi indigeste a pu nous parvenir sinon pour qu’on le profane.
P.S : La présente critique a été rédigée avant la mort d'Akira Toriyama. Ne voyez aucune irrévérence adressée à la mémoire du maître dès lors où je m'exerce à quelques postillons à son endroit.
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il y a 5 jours
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