"Serais-tu prêt à tuer quelqu'un en échange de cinq millions de yens ?"

"Kimi No Knife" est encore une victime de l'incompétence de l'éditeur "Panini". Alors que ce dernier se permet d'être brouillon sur l'édition des comics depuis des années, ils'autorise aussi de mettre plusieurs séries de manga en pause. Celle dont je vais parler l'est depuis 2013. La série est finie depuis longtemps au Japon avec 10 tomes tandis que Panini Manga a décidé de la mettre en pause à partir du sixième. Quatre tomes à sortir, quoi ! Il aurait très bien pu faire des tomes doubles voir plus comme ils l'ont fait avec "Daydream" mais non.

Yua Kotegawa est une auteur que j'aime particulièrement, pas parce qu'elle excelle dans son domaine mais parce qu'elle traite de sujets intéressants et qu'elle a toujours un postulat de départ intriguant. Détenu 042 était excellent bien qu'un peu trop nié, Anne Freaks a eu une fin bâclée, Line est un One-shot un peu bancal. Kimi No Knife est selon moi sa série (sortie en France tout du moins) la plus travaillée et en même temps la plus longue.

Pourquoi je dis que Kotegawa n'excelle pas dans son domaine ? Au niveau du dessin bien que j'adore son style au niveau des visages, surtout féminin, il reste néanmoins beaucoup trop épuré. Certaines cases sont vides et les décors sont trop peu travaillés. Le tout reste agréable à regarder mais ne demande pas de s'attarder sur une page pour admirer son travail comme on pourrait le faire avec un Gunnm ou un Berserk.

L'histoire, c'est le point, que Kotegawa maîtrise le mieux, du moins son point de départ. Elle remet en question la notion de bien et de mal, de justice et de la vengeance. Elle met de côté la notion manichéenne de l'être humain. Met en avant les jeunes délaissés de la société japonaise ou les victimes de l'immigration. Le déroulement du récit est globalement bien maîtrisé. Les événements s'enchaînent avec une certaine fluidité, les retournements de situation peuvent être assez prévisibles mais sans tomber dans la niaiserie. Le tout se lit avec une certaine facilité, l'auteur a pris le parti ne pas vouloir choquer, je ne sais pas si ce choix reste la meilleure solution. Comprendre le ressenti psychologique que peut avoir un crime sur une personne ne peut être qu'induit et amplifié qu'en montrant le caractère choquant d'une situation.

Globalement, la seule déception au niveau de l'histoire serait le traitement de certains personnages. L'impact de la séquestration d'Itsuki est peu travaillé, l'auteur ne met quasiment en avant que ses découvertes culinaires. Le passé de Makihara, Kuzumi et de Hosaka aurait, à mon sens, mérité de plus long flashback pour augmenter drastiquement notre empathie pour ses personnages et mieux comprendre leurs actions.

Malgré tout ça, elle reste une oeuvre très agréable à suivre. Certes l'écriture n'atteint pas le talent d'un Naoki Urasawa mais je persiste à penser que cet auteur a de très bonnes idées. Manque plus qu'un peu plus de piquant pour agrémenter le tout et on devrait compter une nouvelle auteur indispensable à lire dans le monde du Seinen. J'attends avec impatience son prochain travail.