Le 18 septembre 1970, s’éteignait Jimi Hendrix, à l’âge ridicule de 27 ans celui que l’on considère aujourd’hui – peut-être injustement par rapport à d’autres génies du jazz, du blues ou du flamenco oubliés ou moins populaires – comme le plus grand guitariste ayant jamais existé. Et, même s’il y a fort à parier que les plus jeunes générations n’ont jamais entendu une seule note sortie de sa guitare incandescente, la plupart des gens plus âgés ont le sentiment de tout connaître de la vie de Johnny Allen Hendrix, parce qu’ils ont vu les inoubliables images de Woodstock ou du Festival de Wight. Parce qu’ils savent que, comme Jim Morrison, comme Janis Joplin, il fait partie des victimes des abus en tous genres qui ont caractérisé les années 60. Pour tous ceux-là (et les autres aussi), Kiss the Sky, biographie détaillée de la vie du génie, écrite par Jean-Michel Dupont (ancien journaliste, scénariste célébré de nombreuses BDs) et mise en image par Mezzo (ancien musicien et illustrateur, devenu une véritable star de la BD), risque bien d’être un choc. Et une révélation.

Car si Mezzo et Dupont ont déjà connu une gloire méritée avec leur biographie de Robert Johnson (Love In Vain), la manière dont ils racontent, dans ce premier tome d’une œuvre qui en comptera deux, l’enfance et l’adolescence de Hendrix est absolument exemplaire. Au point que, en refermant le livre, on a le sentiment de devoir réécouter ses albums, pour en tirer une signification différente : derrière le psychédélisme foisonnant, derrière la virtuosité enivrante, derrière les sonorités cataclysmiques, on cherchera désormais l’enfant battu, maintes fois abandonné par sa mère. Et l’adolescent fragile, timide, s’accrochant aux racines indiennes de sa grand-mère pour exister, qui a commencé à jouer de la musique (du Blues…) sur une guitare qui n’avait qu’une seule corde. Et le jeune adulte sexuellement irrésistible (et apparemment très doué au lit !) mais incapable de garder un job plus de quelques semaines, incapable de se soumettre aux horaires, aux injonctions des « patrons », des « musiciens parvenus » qui trouvaient la plupart du temps qu’il jouait trop fort, trop étrangement, trop… bien.

Dans les dernières pages du livre, on est témoin de la rencontre entre Hendrix, qui vient du Blues, et le Rock de la fin des sixties : Dylan, qu’il vénère, les Stones (il piquera un temps la copine de Keith Richards), et tout un mouvement qui va faire de lui son héros. Un héros éphémère. Mais ça, ce sera dans le second tome.

Le dessin de Mezzo est particulièrement foisonnant, et nécessite que l’on s’arrête patiemment sur la plupart des pages, pour pouvoir en extraire la richesse, la beauté. Comme Mezzo le raconte lui-même, pour un projet aussi sérieusement documenté, il est allé chercher la vérité des personnages dans les photos de l’époque, tout en s’inspirant de l’œuvre de peintres et d’illustrateurs de cette même époque : le résultat est que Kiss the Sky ne ressemble pas vraiment une BD traditionnelle, mais plutôt à une œuvre d’art : il est l’illustration idéale, à la fois hyper réaliste et totalement fantasmatique, d’une vie particulièrement chaotique.

Ah, et on oubliait de le dire, la préface de Kiss The Sky est signée Nick Kent.

[Critique écrite en 2022]

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EricDebarnot
7
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le 2 janv. 2023

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Eric BBYoda

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