Kokkoku
6.5
Kokkoku

Manga de Seita Horio (2008)

Pour durer, il faut déjà savoir commencer. Kokkoku, commencer, il a pas trop su ; ça l’a pas empêché de se poursuivre cependant. Le manga est abominablement mal entamé, on nous présente un contexte spirituel vaporeux avec concepts jetés sur nos yeux les trois premières pages, et à cela se borne une introduction qui, plutôt que nous happer – car il s’agirait de séduire le lecteur – nous repousse comme si elle n’avait pas besoin de nous. Ça ne concerne que le tout début, mais la première impression n’est-elle pas cruciale ?


On nous présente ensuite un énième NEET qui, apparemment, est devenu l’archétype du héros de Seinen contemporain. Il faut dire que l’espèce a commencé à proliférer au Japon avec la crise. Pas une crise économique seulement ; une crise existentielle qui bouffe l’Occident et qui aura traîné le Japon et la Corée en wagon de queue vers le précipice. Ça transparaît de plus en plus dans les mangas parus ces vingt dernières années, le délitement progressif du Japon, l’errance de sa jeunesse qui, en âge de travailler, se retrouve désœuvrée sans trop savoir quoi faire, incomprise de tous. Plus les jours passent et plus MADAO m’apparaît comme le saint-patron des déclassés, Gintama a vraiment su viser juste en créant ce personnage qui préfigurait toute une génération derrière lui.


Le NEET en question est une loque, il l’est tant que, par mégarde, il laisse son neveu se faire enlever devant lui. Qui, très sérieusement, serait assez bête pour enlever un enfant accompagné d’un adulte, pour en plus enlever l’adulte avec ? Je suis pas expert dans l’enlèvement d’enfants, mais le procédé m’apparaît douteux. Il fallait bien cependant que déclic il y ait pour que l’engrenage rouillé soit lancé.


D’autant que l’enfant a été enlevé au hasard pour demander une rançon à des gens de relativement modeste condition. Quitte à s’essayer à la prise d’otage, il est en principe plus idoine de cibler les enfants de familles avec du patrimoine. Je n’appelle à rien ! Je dis ce qui est.


Il aura donc fallu aller au bout du chapitre d’introduction pour saisir le début où tout y était quelque peu chaotique et où on ne comprenait pas que plusieurs années s’étaient écoulées d’une page à l’autre. La narration a péché par maladresse dès le départ, c’est un faux-pas préfigurant une trébuchement qui n'en finit plus.


Les pouvoirs psychiques sont très mal expliqués et encore moins bien mis en exergue. Dès le second chapitre, je ne comprends rien. Non que ce soit très alambiqué au point de nécessiter une étude plus scrupuleuse de ce qui nous est avancé pour comprendre… c’est simplement mal présenté au point où on ne saisit trop quels sont les pouvoirs en cours ni leur étendue. Le scénario ne trouve rien de mieux à faire que de rajouter de la confusion par-dessus. Il eut été autrement plus avisé de faire une première démonstration des pouvoirs dans un contexte simple afin que les grandes lignes soient imprégnées dans notre esprit, pour ensuite s’essayer à des études de cas plus développées.


Apparemment, pétrification et téléportation il y a ; gros monstre psychique aussi. Pourquoi, comment ? Parce que. Les enjeux spirituels sont infiniment moins bien étayés que peuvent l’être ceux inhérents à certains Shônens. Accepter un état de fait surnaturel, j’y suis tout disposé, mais qu’on prenne au moins la peine d’expliquer ses tenants. Et quand l’auteur s’essaye à quelques éclaircissements, on en ressort finalement l’esprit plus embrumé que précédemment. Beaucoup de Ta Gueule C’est Magique se trouve orchestré au milieu du déballage de ce qui se rapporte en principe au monde des esprits. Plus on en sait, moins on saisit.


Les partis en présence, du reste, ne sont pas présentés ou même esquissés, ce sont des gens qui sont là sans trop qu’on comprenne ce qui les amène-là si ce n’est d’agir comme des rouages de l’intrigue qui a besoin d’eux pour se mouvoir. Y’a les gentils, y’a les méchants, faites avec, vous aurez pas plus et vous aurez pas mieux. Chaque protagoniste qui croise le fil de notre lecture est écrit sans qu’un élément de caractère déterminant permette de franchement le singulariser. Comment lire décemment une histoire où rien n’est bricolé convenablement et où les personnages ne nous invitent pas à vouloir suivre leurs déboires ?


Le surnaturel, les enjeux… rien ne tient. On n’y adhère pas même en cherchant à s’y coller la trogne dessus. Un manga comme XXXHolic, assez nébuleux quant à ce qui se rapportait aux thématiques de cet ordre, traitait autrement mieux son sujet tout en sachant être en plus enchanteur. Ici, rien ne nous lie à ce que nous lisons.

Les dessins, quant à eux, ressemblent parfois à ceux d’Hitoshi Iwaaki. On plutôt, les designs de certains personnages en sont clairement inspirés. Le style en revanche y est franchement quelconque sans vraiment qu’on ne trouve à y redire en bien ou en mal.


L’intrigue, à supposer qu’il y en ait une, est statique. Ça cause sans vraiment rien dire, on pérore et rien ne se passe. Quand événement il y a cependant, il tombe sans trop qu’on sache pour quelle raison. La narration ne trébuche finalement pas après son initial faux-pas, mais passe son temps à dégringoler. La manière dont l’histoire nous est contée nous intime vraiment à ne pas vouloir la lire. Et c’est sans doute tant mieux car, de contenu, il n’y en a guère.


Sans cesse on prolonge une intrigue qui, dès le départ, n’allait nulle part. Chaque fois les éléments perturbateurs n’apparaissent qu’afin de rajouter des lignes à un script dont on a commencé la rédaction sans penser à la fin, ni au milieu. Kokkoku a vraiment été lancé sans savoir jamais où il se jetait. Tout ça pour finir mièvrement. Je préfère encore ça aux fins ouvertes, grandiloquentes ou prétentieuses cela dit. Mais en clôturant son œuvre, Seita Horio aura finalement mis fin à ce qui avait erré indolemment sans trop qu’on y prête d’attention. On sait pas d’où c’est parti Kokkoku, mais ça sera apparemment arrivé à destination quand celle-ci fut désignée par son scénariste sur le tard. Je comprends en tout cas que la parution du manga ne se soit pas éternisé en ce sens où rien ou presque ne permettait de se fidéliser un lectorat. La même remarque, cependant, pourrait être accolée à 95 % du paysage manga récent.

Josselin-B
3
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le 17 sept. 2024

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Josselin Bigaut

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