Critique de Shaynning
Bravo aux éditions Akata d'être capable de mettre les titres en français, et encore bravo pour être une édition qui sait apprécier la diversité sous toutes ses formes tout en sachant cultiver les...
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le 18 nov. 2024
Bravo aux éditions Akata d'être capable de mettre les titres en français, et encore bravo pour être une édition qui sait apprécier la diversité sous toutes ses formes tout en sachant cultiver les relations saines dans les oeuvres qu'elle endosse, dans leurs mangas comme dans leurs romans.
Passionnée de cuisine, Nomoto aimerait pouvoir pleinement assouvir ses envie de cuisiner de généreuses portions, mais son appétit d'oiseau ne lui permet guère ce genre de quantités. Elle remarque que sa voisine rapporte souvent des plats sur le pouce en grande quantité, lui faisant comprendre que Kasuga, de son nom, a un fort appétit. Ce qui devait être une exception d'une fois de la part de Nomoto, qui a proposé de partager ses portions surnuméraires avec sa voisine, va progressivement évoluer en repas partagés. Sa voisine va même peu à peu partager les frais et même faire l'épicerie avec Nomoto, marquant du même coup une progression relationnelle. de simples fréquentations culinaires, elles deviennent peu à peu amies et prennent leur repas ensemble. Il semble que ce ne soit pas seulement les repas partagés qui les nourrissent.
C'est un univers doux, respectueux et tendrement exécuté qui s'est formé dans ce premier tome. C'est également, comme l'ont fait remarqué certaines critiques, un monde dénué de jugements. Alors qu'on pourrait être tenté de faire des rapprochements hasardeux sur le physique des personnages avec leur appétit, les personnages ne le feront jamais. Pour Nomoto, Kasuga est la compagne de festin rêvée, puisque son appétit se prête au type de plats qu'elle aime confectionner en grande quantité. Kasuga assume son fort appétit, sans gêne et sans ce fréquent remord qu'on associe trop souvent aux personnages qui mange beaucoup. Il faut dire, elle est grande et costaude, le genre de personnage que je croise peu et jamais avec un estime de soi aussi solide. C'est regrettable que ce soit si peu fréquent. Et dans la même veine, Nomoto, mine et petite, n'a pas évoqué quelle "chance" s'est d'être de son gabarit, elle est même un peu déçue de ne pas pouvoir cuisiner ce qu'elle souhaite en raison de son petit appétit. Bref, dans les codes utlisés pour les personnages féminins, on en brise quelques uns dans ce manga et c'est très bien. C'est agréable de voir des femmes bien dans leur peau et assumer le physique qu'elle ont et qu'elles n'ont pas choisi ( on nait avec le corps qu'on a, certaines choses vont restés hors de notre contrôle).
Quand à la relation qui s'installe lentement, mais sur de bonnes bases, ça fait plaisir à lire. J'en ai marre de tomber sur autant de relations malsaines qu'on essai de me faire passer pour des "romances", il n'y a rien de romantique dans la violence, peu importe sa forme, la domination, les mensonges, la jalousie ou encore le machisme. Ici, on part de quelque chose de simple, mais essentiel: La complémentarité sur un intérêt partagé. À partir de là, on apprend à se connaitre, on s'intéresse à l'autre, à ses préférences et ses opinions. Il me semble que c'est là une vision très réaliste et sincère de ce qu'est une relation naissante, peu importe de quelle nature est la relation.
Aussi, il est plus motivant de préparer des mets quand on les partage, pas seulement pour les quantités, mais pour le plaisir de voir la réaction et l'appréciation de.s l'autre.s.
Et partager des repas est un acte social en soi: C'est l'une des rares activités où on a le temps et le loisirs de s'exprimer dans un cadre tranquille et agréable. C'est sans doute pour ça qu'on faire encore très souvent les rendez-vous amoureux, familiaux et professionnels autour d'une bonne assiette. Il est donc évident qu'au-delà du partage des aliments, il y a quelque chose d'aussi très bénéfique pour elles de partager leur temps. Et ça devient de plus en plus évident au fil des semaines.
Bien sur, ce premier tome pose les bases, mais déjà vers la fin, on est sur un filon qui augure pour une romance. C'est donc lent, mais pas non plus dénué de développement. Et puis, c'est logique cette lenteur: les deux femmes étant de pures étrangères l'un pour l'autre au départ et aucunement liée par un travail, une activité ou un cercle social commun, il leur a fallut se créer une cercle social, avec la cuisine comme centre d'intérêt. Il me fait d'ailleurs un peu penser au manga "Vies d'ensemble", que j'aime beaucoup, dans lequel deux anciens camarades de classe se retrouvent au hasard d'un projet commun ( prendre soin d'un chat) et finissent par devenir colocataire, dans un Japon où on ne devient pas "coloc" avec un quasi-étranger. Mais, ils se sentent bien ensemble. "L'amour au menu" a aussi cette dimension moderne autour du "couple", qui peut très bien être un duo aromatique, - quitte à devenir romantique plus tard. J'aime qu'on articule davantage les relations en dehors des cadres classiques, comme le duo d'amis d'enfance ou du couple amoureux. Même si je sais que le tandem Nomoto-Kasuga va devenir romantique- le titre le divulgâche- c'est par la case "amitié" que passe leur relation et c'est plaisant à regarder évoluer.
Par contre, ça donne faim toute cette bouffe! Et comme, je le réitère, les mangakas sont des pros pour illustrer la bonne bouffe, il vaut mieux prévoir une petite collation.
Côté graphisme, ce n'est pas le manga le plus riche en détails que j'ai vu, il est assez sobre, avec des décors peu meublés ou enjolivés, des vêtements très "mous" ( dans le sens "vêtements confortables) et des personnages aux traits qui, sans être criants de réalisme comme j'ai pu le voir dans certains mangas, n'ont pas non plus le côté cliché aux expressions faciales surjouées de certains mangas jeunesse. Kasuga a d'ailleurs un visage très peu expressif, mais je ne lui reproche pas, certaines personnes sont en effet très peu expressives, on ressent leurs émotions dans le choix des gestes et la portée des paroles. Je pense que c'est le cas de cette femme, alors que Nomoto est plus facile à "lire".
Bref, un beau petit roman tendre et truffé de bonne nourriture, qu'on savoure autant pour ses jolis mets que sa jolie relation en train de fleurir.
Pour un lectorat josei, adulte * Mais qui peut convenir aux adolescent.e.s.
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le 18 nov. 2024
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