Une dernière pour Holly Ann : pour le meilleur et pour le pire


Tu veux que je te dise, Ugly Green Bear ? Tu mérites cette mort. La petite que tu as attrapé chez tante Olympe, elle avait tué son mari, certes, mais en se défendant. Il la battait jour et nuit et, un soir, alors qu'il était à genoux sur elle occupé à l'étrangler, elle a pu saisir les ciseaux... Et toi tu l'as trouvée, tu l'as arrêtée, et tu l'as ramenée en Géorgie où elle est passé sur la chaise électrique jeudi dernier. Tu as bien sûr dénicher quelques véritables criminels en fuite, mais tu renvoyais aussi d'anciens esclaves à d'anciens propriétaires qui n'avaient pas digéré l'abolition, des enfants à des pervers, des victimes à leurs bourreaux... Tout cela pour toucher des primes. Il fallait que quelqu'un t'ôte ce talent de traquer et de trouver sans peine, que quelqu'un s'en servent pour aider de véritables victimes.




Chassez le naturel, il revient vite au galop !



Holly Ann : l'année du dragon, édité par Casterman est le quatrième et dernier tome des aventures de notre miss détective qui revient par le biais d'un récit mouvementé autour du massacre d'une communauté noire (descendants d'esclaves), cachée au fond du bayou. Une enquête incluant le klu Klux Klan ainsi que la mafia chinoise avec le trafic d'opium. En matière d'intrigues, L'année du dragon se pose comme l'un des meilleurs de la saga à travers une investigation bien menée pour des petites péripéties appréciables. Seulement voilà, le scénariste Kid Toussaint n'a pas pu s'en empêcher ! Le voici replongé dans ses lubies ultra-progressistes en fourmillant son récit d'une multitude d'injonctions morales où on mélange tout et n'importe quoi à partir du moment où c'est antiprogressiste. Une véritable bouillie que le scénariste avait pourtant réussie à doser dans le troisième tome : ''Né dans le Bayou'', en modérant son propos pour se concentrer sur une seule accusation autour de la prostitution, ce qui eut pour effet de rendre un récit cohérent, fluide et surtout fonctionnel dans la portée de son message. Une croisade probablement pleine de bonnes intentions... quoique... ce militantisme représenté seulement par des interprétations radicales n'allant que dans un sens commence à me faire douter du bien-fondé visé par les propos du scénariste. Je dois certainement me faire des idées...


Je n'ai pas envie de faire de cette critique une sentence de mon aigreur à l'égard du manque de nuance du scénariste, c'est pourquoi je juge cette bande dessinée dans son entièreté et fort est de constater qu'en matière d'intrigues et de rebondissements ce quatrième tome est dans l'ensemble distrayant. Le personnage d'Holly Ann Artoure est toujours aussi intéressant avec une étrange aptitude que l'on explore plus profondément. Une malédiction (qui l'arrange bien) qui fait que lorsqu'elle couche avec un homme elle lui vole en échange une adresse particulière. J'aimerais comprendre, finalement Holly Ann s'est entièrement construite sur le sexe, et c'est par le sexe qu'elle subtilise toutes les capacités qui font d'elle aujourd'hui une enquêtrice à l'esprit de déduction incroyable, mais aussi une femme forte et une pisteuse hors pair. Donc si je comprends bien, Holly Ann en tant que femme métisse n'est pas capable d'apprendre d'elle-même et doit coucher avec des hommes pour pouvoir leur voler des talents qu'elle ne possède pas et qu'elle n'aurait jamais pu apprendre d'elle-même. En somme, une prostitution du pouvoir. Kid Toussaint : ne serait-ce pas une formidable hypocrisie que voilà ? Et après tu peux venir faire ta macédoine de prescriptions moralistes !


Parmi les qualités indéniables de cette saga, on retrouve ce contraste si particulier avec une Sherlock Holmes au féminin métisse plongée dans la Nouvelle-Orléans de la fin du 19e siècle au cœur de la Louisiane dans les bayous à travers un climat ségrégationniste hostile. Le développement dramatique entre les personnages est également intéressant. La relation entre Holly et Lando Loyola est toujours intrigante même si j'aurais cru qu'après la mort du père de notre enquêtrice des mains de Lando il y aurait eu du ressentiment à son égard. Les dessins de Servain sur une approche graphique aux couleurs pastel couvrant des traits fins offrent des vignettes superbes. Une mise en page personnelle offrant une réelle identité atmosphérique pour cette saga si particulière.



CONCLUSION :



Depuis le14/01/2015, chaque année on a eue droit à la sortie d'un volume d'Holly Ann, "L'Année du dragon"(en tant que dernier album paru à ce jour) étant sortie le 26/09/2018, soit déjà 4 ans au moment où j'écris cette critique, il est donc fort à parier qu'il en est terminé des enquêtes de notre détective. Une petite pensée amère pour Holly Ann, une enquêtrice qui méritait mieux.


Finalement, la meilleure des citations pour résumer cette saga en bande dessinée vient de Victor Hugo lui-même :



« Instruire le peuple, c'est l'améliorer; éclairer le peuple c'est le moraliser. »


Créée

le 21 mars 2022

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