L'avant dernier tome de la série. Ca émeut. Bientôt mon voyage avec Philémon sera terminé. Jusqu'à ce que je relise une de ces BD encore une fois.
Cet avant dernier album est plutôt particulier: on pourrait dire qu'il est le plus autobiographique de toute la série. En effet, on ne peut s'empêcher d'établir un rapprochement entre certaines déclarations de l'épouvantail et l'état psychologique déprimé de l'auteur: "à quoi sert un épouvantail qui ne fait plus peur?". L'auteur fait également beaucoup référence à la mort dans cet album. Il est évident que pour Fred, ce monde des lettres était un échapatoire à la vie réelle, mais jamais son mal être n'aura été aussi présent. Enfin il y a ce passage révoltant où Félicien baisse les bras, assez étonnemment, et semble renoncer à vouloir sauver Barthélémy de l'enfer dans lequel il pourrait bien brûler.
Question scénario je suis assez déçu. Bouleversé car c'est très personnel, et l'album semble refléter sa propre lutte contre la dépression. Mais déçu surtout par le manque d'idées. Déjà, dans un premier temps, Philémon est envoyé dans l'enfer des épouvantails et non le monde des lettres. On avait découvert que notre monde n'est pas si normal que ça grâce à quelques courtes histoires en fin d'album. Mais l'intérêt de la série réside tout de même avant tout dans la découverte d'une nouvelle lettre. Ici Fred change de direction et perd le fil. Puis quand Philémon retourne enfin dans le monde des lettres, ce n'est que pour rencontrer un bestiaire plutôt pauvre. On retrouve Don Quichotte (finalement un énième alter égo de l'auteur) et de simples pirates. Il y a tout de même les moulins des mer qui fabriquent du vent... mais la magie manque, sans doute à cause d'un excès d'explication, de rationnalité, et une mise en scène assez fade.
Pourtant on sent la volonté de Fred d'en fiche plein la vue avec des découpages compliqués. Mais ça ne reste qu'un condensé de ce que l'auteur a déjà fait à quelques exceptions près. Plus rien de neuf sous les tropiques. Je dirais même que les quelques idées folles de découpage qui lui viennent sont plutôt mal exécutées. Ainsi , l'altération présente à la planche 43 me semble peut réussie, pas très lisible et inutile (en même temps rares sont les altérations qui se justifient autrement que par une expérimentation du médium). On notera aussi que Fred rompt la continuité en ne dessinant plus la lune trouée par Philémon quelques albums plus tôt.
Il y reste tout de même ici et là quelques moments de génie: la mise en abîme de la case, dans laquelle Barthélémy est enfermé est par exemple délicieuse. Le dessin est tout de même de bonne facture. Le Phoenix est assez impressionnant, les tronches des épouvantails sont assez marrantes (même si on dirait plus des hommes que des épouvantails). Enfin, cette fin de récit qui annonce le prochain; Fred se permet de raconter une histoire en deux parties, ce qui n'est pas plus mal.
Bref, un album plutôt sombre, inégal, décevant, un peu mou je trouve mais qui garde tout de même un certain enchantement, même minime. C'est peut être un des moins bons albums de la série, mais ça se laisse lire tout de même. Ce serait être un peu extrême que de dire qu'il s'agit d'un mauvais album en soi.