L'art de faire peur selon Claude de Ribaupierre, dit "Derib"



  • Oo-oooh. Fellow ! Oooh...

  • Reste ici, toi ! Heureusement que tu es venue, sinon ils s'échappaient tous les trois !...

  • J'ai peur Buddy ! Pourquoi cette panique chez les mustangs ?

  • C'est sûrement elle !! Cette bête qui nous guette depuis notre arrivée !... Demain je la pisterai...




Carcajou !



Claude de Ribaupierre, dit "Derib", pour les éditions Le Lombard, propose avec "Buddy Longway", tome 2 : « L'Ennemi », une suite dans la droite lignée du premier tome. Une histoire d'amour, au service d'une aventure intimiste qui sonne vraie. Un western dramatique débarrassé de toute forme d’artifice, qui met en scène la vie d'un jeune couple mixte comprenant : "Buddy", un visage pale à la chevelure jaune et "Chinook", une squaw. Le récit démarre avec le couple fraîchement marié qui déambule dans l'étendue sauvage américaine, à la recherche d'un endroit idéal pour y bâtir une cabane afin de fonder une famille. Un pied-à-terre qu'il trouve sur un superbe point de vue avec un accès proche d'un point d'eau.
« - Buddy ! Viens !! Regarde !
- C'est merveilleux, Chinook !
- Ce jour est un bon jour, il nous a donné la terre que nous cherchons ! »

Une terre idéale pour le couple qui aussitôt se lance dans la construction de leur demeure. Alors que tout semble aller pour le mieux une menace mystérieuse s'invite au sein du groupe. Un danger tapis dans l'ombre qui va harceler le couple qui s'inquiète de cette chose. Une bête qui en veut à leur vie et que les Amérindiens appellent "Carcajou". Les Indiens le craignent. Ils croient qu'il est l'incarnation de l'esprit malin. Un animal glouton et féroce à la portée surnaturelle. Malchance pour le couple, il s'est installé sur son territoire.


L'ingéniosité de ce deuxième tome provient de son intelligence à alimenter une tension dramatique austère qui se fonde sur nos peurs ancestrales. Un danger savamment renforcé par une narration impeccable.
« La crainte ne nous quittait plus... L'incident de l'arbre me rendit prudent, chaque nuit nous veillons à tour de rôle, mais pendant tout le temps de la construction, il ne se passa plus rien... »
À mesure que l'on tourne les pages l'inquiétude s'intensifie aussi bien à travers l'intrigue, que le développement psychologique des personnages, jusqu'aux dessins. On est totalement absorbé par la lecture de cette bande dessinée qui joue habilement de son mystère affolant. Une intimidation qui démarre avec une simple présence qui ne cesse d'aller et de venir pour voler de la nourriture, jusqu'à évoluer sur quelque chose de beaucoup plus tumultueux avec des tentatives de meurtres. Entre l'incident du tronc d'arbre, la mésaventure des mustangs, les guet-apens et les parties de chasse, le suspense est total. Buddy et Chinook sont soumis à rude épreuve. Un bouleversement psychologique qui tourne en une véritable psychose où la peur est mise au centre du récit. À quoi s'ajoute le retour de Slim le borgne, apparu dans le premier tome, qui nous apprend que c'est ici qu'il a perdu son oeil et que le lieu est maudit.


En matière d'ambiance, les illustrations de Derib sont fascinantes ! Des dessins intimidants qui apportent un sentiment d'insécurité pour le lecteur. Tel un sinistre présage angoissant il délivre des silhouettes inquiétantes sur un jeu d'ombres saisissant. Il nous régale de ses vignettes qui offrent une texture anxiogène durant certains chapitres comme lors de la nuit frissonnante sous la pluie et l'orage. Un moment éprouvant pour Chinook, effrayée dans la cabane, avec Buddy qui lui-même se retrouve confronté à l'inexplicable. Une texture graphique riche qui se concilie efficacement avec la dureté des décors sauvages. L'art de faire peur ! Côté technique, le trait de Derib est toujours si particulier autour de la conception des visages, notamment des yeux. Les décors bien que sympathiques manquent de détails et de précisions. Pour autant, ce manque de finition est entièrement gommé par l'atmosphère angoissante de cet album qui peut compter sur une écriture astucieuse pour cadrer le tout. Une élaboration ténébreuse pénétrante qui trouvera une résultante tournée vers la tragédie avec l'histoire cruelle d'Ours Gris et de sa bien-aimée Lys des prés, pour une conclusion optimiste résolument tournée vers l'espoir d'un avenir meilleur avec Chinook qui est enceinte.
« - Buddy ! Je l'ai senti bouger !!... Ton fils !
- YIII-EPEEE !!!! »



CONCLUSION :



"Buddy Longway", tome 2 : « L'Ennemi », de Claude de Ribaupierre, dit "Derib", pour les éditions Le Lombard, propose avec ce second volume un travail d'ambiance remarquable concentré autour de la « peur ». Un périple angoissant cheminée à travers une psychose faisant honneur à Alfred Hitchcock, ou encore Henri-Georges Clouzot.


Un album intense qui frôle la perfection.



Chinook et moi n'y comprenions plus rien... Comment était-il possible que la bête se trouve au même moment à des kilomètres de distance ?...


B_Jérémy
9
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le 27 nov. 2022

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