Cet album prépublié en 1958 dans le journal de Spirou a été créé juste après les excellents le Juge et Ruée sur l'Oklahoma de Morris (+Goscinny qui ne sera crédité sur la couverture que bien plus tard, certaines sources parlent de 1996). Et le moins que l'on puisse dire est que ce tome est parfaitement burlesque ; finalement une vraie amorce de ce que l'on retrouvera 10 ans après avec les histoires d'Iznogoud comme l'excellent Complots d'Iznogoud !
Plus qu'un récit complet et homogène, on est en présence d'une succession de gags et de situations comiques dans lequel les Dalton excellent, notamment Joe, qui tient ici certainement son meilleur rôle de la saga avec son boulet, ses énervements et ses idées plus saugrenues les unes que les autres (Averell étant plus en retrait, il prendra de l'épaisseur au fil des tomes et notamment dans Les Dalton dans le Blizzard). Le duel final avec Lucky Luke et son dénouement est mémorable. Référence très plaisante à Ma Dalton, dont la réapparition dans un tome dédié n'arrivera que 13 ans plus tard.
Lucky Luke est également très bon, avec une maestra d'attitude théâtrale de la planche 26 à 36 où se joue une grande séquence d'un Lucky tantôt associé tantôt homme de maison, pour le plus grand bonheur des lecteurs qui ont assez peu vu ce rôle chez lui.
Et cela contraste parfaitement avec cette planche 1 d'ouverture où Lucky Luke se montre très taiseux presque nonchalant, à boire tranquillement son coca, où ses seules paroles sur la planche sont "eh oui", "hm" et "bah".
La planche 23 est un chef d’œuvre de Morris avec une spontanéité de Lucky Luke à se coucher dans le far west, à la belle étoile, avec des dégradés d'orange et de noirs entre le soleil couchant et les nuages, puis la pierre sur laquelle jaillit le feu de camp et l'ombre, puis sa couverture et les silhouettes des Dalton à cheval. Cette scène donne une vraie respiration dans un récit haletant.
Enfin, un troisième acteur se révèle dans cet épisode à savoir la population, plus que jamais pleutre et foie jaune, à l'image du shérif de Bashful City. On reverra cette attitude de la part de la population des villes de l'Ouest dans toute la suite de la saga, notamment dans l'excellent Billy the Kid.
Un peu à la manière de Tortillas pour les Dalton, mais pour bien d'autres raisons (ici le caractère décousu, plus succession de scènes), le peu de profondeur de l'album ne le place pas parmi les meilleurs de la série mais c'est un album très sympathique avec un accent porté sur le comique jusqu'à sa scène finale.