les heures un peu sombres de la BD espagnole
Paco Roca, auteur espagnol, avait déjà publié chez Delcourt en 2007 "Rides", un très bel album sur la maladie d'Alzheimer puis "Les rues de sable" en 2009, beaucoup moins réussi.
"L'hiver du dessinateur" qui sort en ce moment chez Rackham relate un essai d'émancipation de cinq auteurs de bande dessinée dans l'Espagne franquiste de la fin des années cinquante. A cette époque là, régnait un seul éditeur nommé Bruguera qui employait toute la fine fleur de la bande dessinée locale. Quand je dis employer, c'est plutôt exploiter car ces dessinateurs, payés à la planche, ne possédaient aucun droit sur leurs dessins, restant la propriété de l'éditeur. Cinq frondeurs, épris de liberté, décident de fonder un journal concurrent. Hélas, leur entreprise se verra très vite empêchée par le gros éditeur qui les réembauchera.
C'est album est avant tout destiné aux grands amateurs de bande dessinée, aux historiens aussi et aux espagnols qui ont bien connu cette époque. Le thème n'est pas réellement porteur pour le grand public.
Cependant, il possède des qualités indéniables.
Tout d'abord, un coup de chapeau au dessin de Paco Roca, absolument magnifique, remarquablement mis en valeur par une subtilité éditoriale qu'est la coloration des pages selon les saisons où se déroule l'histoire. Quand c'est l'hiver, les pages sont légèrement bleutées, rosées au printemps, jaunies à la fin de l'été. Cela crée un climat à la fois suranné et nostalgique du plus bel effet.
Ensuite, il y a, en creux, une très fine évocation de l'Espagne franquiste, de son manque de liberté, de sa censure et de sa société muselée.
Et pour terminer, un joli portrait en demi-teinte traverse cette histoire, celui du senor Gonzalès, l'affreux directeur de la rédaction , avec son crayon rouge, corrigeant sans état d'âme les planches de ses rédacteurs. Il passe sa carrière à se faire détester et à transformer sa vie en désert. Un peu comme le régime de Franco...
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