Concevoir et réaliser
Je pensais – pourquoi ? – que c’en était fini du Prisonnier des rêves, j’imaginais – pourquoi ? – que Marc-Antoine Mathieu avait laissé son héros récurrent dans le récit circulaire du...
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le 30 oct. 2020
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Je pensais – pourquoi ? – que c’en était fini du Prisonnier des rêves, j’imaginais – pourquoi ? – que Marc-Antoine Mathieu avait laissé son héros récurrent dans le récit circulaire du Décalage et prolongeait dans des « one-shots » les idées que les contraintes narratives de la série des Julius Corentin Acquefacques l’empêchaient d’y développer. Alors, oui, la dernière fois que je suis rentré chez moi en frétillant à ce point d’impatience à la perspective de lire une bande dessinée, probablement c’était un Yakari et j’avais sept ans.
Or, autant les six premiers albums de la série de M.-A. M. dénotaient une incroyable virtuosité, autant l’Hyperrêve repousse encore les bornes. Je ne parle pas de virtuosité technique, d’un trait particulièrement convaincant, d’une maîtrise prodigieuse de la couleur – tout est en noir et blanc ! Au contraire, le dessin est peut-être même ce qu’on y trouve de plus pauvre. Non, je parle de la richesse de tout ce qu’il y a sous – ou derrière, ou autour de – ce qui est dessiné.
Dans chacun des volumes précédents, l’auteur soumettait un élément de son art – le personnage, le récit, la perspective, etc. – à des explorations, voire des distorsions, voire des tortures… Là, c’est comme si on mettait les six premiers volumes (et un peu de 3’’ et du Livre des livres) dans un grand sac magique, qu’on remuait le tout et qu’on en ressortait le septième : l’Hyperrêve est placé sous le signe de l’infini, et c’est la bande dessinée tout entière qui y prend d’inconcevables dimensions.
L’argument – le pitch, si vous préférez – de l’album ressemble à celui des précédents : le héros se réveille au sortir d’un rêve peut-être agité. Enfin, se réveille : façon de parler. On ne sait pas trop, quelque chose cloche, on se retrouve vite dans un rêve de rêve de rêve etc. – bref, « C’est mal parti pour finir » (p. 10). Ça commence tambour battant, ce qui troublera peut-être même les connaisseurs de la série. Et si je ne résume pas davantage l’Hyperrêve, c’est parce que j’en suis incapable. L’œuvre finirait par être son propre résumé, qui ressemblerait à la carte à l’échelle 1:1 qu’on trouve chez Jorge Luis Borges – dont l’influence sur le travail de Marc-Antoine Mathieu saute un peu moins aux yeux dans cet album.
Ou alors un mathématicien chevronné, un spécialiste des questions d’échelle, un astronome averti s’en sortiraient peut-être. (Les noms de Max Planck, Karl Schwarzschild et Donald Knuth figurent dans l’ouvrage.) Le modeste lecteur de bande dessinée que je suis se contentera de goûter à la virtuosité des pages qu’il faut quelquefois déplier, de saisir la finesse qui baigne certains dialogues, et de goûter au vertige des deux infinis – l’infiniment petit, l’infiniment grand.
Je vois les cases et les planches, je pense comprendre dans les grandes lignes ce qui est écrit et dessiné, mais je ne sais pas me représenter ces infinis-là. Alors l’Hyperrêve n’a pas de fin, cette critique si.
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Créée
le 30 oct. 2020
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